Lorellasukkiarini

On a beaucoup entendu parler des drag queen et des drag show, certaines mouvances les dépeignant comme étant une abomination créée pour convertir nos bambins à la queerness. Mais est-ce vraiment le cas ? (spoiler alerte : non).

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Déjà le « drag », c’est quoi ?

Les drag show, ce sont des performances artistiques ou des spectacles burlesques dans lesquels des artistes, les drag, interprètent généralement des extraits sonores (chansons, film, radio…) costumé·e·s et maquillé·e·s de façon parfois assez spectaculaire. Le mouvement est originaire des ballrooms, aux États-Unis, où là communauté LGBTQIAAP+ racisée expérimentait déjà différentes façons d’exprimer son identité de genre et critiquait les normes hétéro-patriarcales coloniales lors de shows. Aujourd’hui, le drag show est devenu beaucoup plus populaire, notamment grâce à l’émission « Drag Race » où les différent·e·s drags sont mi·se·s en compétition dans des « bals ».

Pourquoi ça fait aussi peur ?

Même en s’y connaissant très peu, presque tout le monde a déjà entendu parler des drag queens à travers le bouche-à-oreille et récemment les médias. Un personnage hyper féminin, aux traits exagérés, qui sur-performe la norme genrée de la féminité. Lors de shows parfois burlesques, comiques ou engagés, c’est tant l’extravagance des performances que de leur apparence qui sont critiquées. Souvent incarnées par des hommes cisgenres (en opposition à transgenre) et des femmes transgenres, c’est surtout ça qui fait jaser chez les réacs. L’idée qu’une personne assignée homme à la naissance puisse incarner un personnage féminin, sexy et exubérant. Pourtant, le drag ne se résume pas qu’aux queens. Il y a aussi les drag kings (performance hyper masculine), les drag queers (qui s’affranchissent de la notion de genre) et les drag monsters (qui représentent la monstruosité).

Et peu importe son genre, on n’est pas obligé.e de performer le genre qui nous est opposé. Toutes ces façons de préformer sont, bien que méconnues, autant de facettes de l’identité humaine qu’il est possible d’exprimer. Le drag, ce n’est pas « des hommes qui se déguisent en femmes », c’est une réflexion sur la façon de se présenter au monde, une façon d’expérimenter sa propre identité de façon spectaculaire, un moyen de moquer les stéréotypes de genre. Mais ça, les réacs, ils aiment pas. On l’a bien vu à Besançon, où le CROUS de Bourgogne Franche-Comté avait programmé un show drag pour le mois des fiertés. La Cocarde Étudiante, un « syndicat » nationaliste, avait à l’époque sorti un communiqué demandant l’annulation de l’évènement. Manifestement, l’organisation n’est pas fan de la critique du genre. Iels protestaient déjà en juillet 2022 contre l’instauration de “cours sur l’identité de genre” dans une école d’ingénieurs à Belfort.

« Nous estimons que les nouvelles dérives woke et LGBT exposant des théories saugrenues de “gender studies” ou “d’intersectionnalité” […] n’ont en aucun cas vocation à faire partie de nos études et encore moins dans une école comme la nôtre » écrivaient-iels dans une lettre ouverte. Et ce ne sont pas les seul·e·s. Marion Maréchal le Pen s’est insurgée de voir que Minima Gesté tiendrait le flambeau de la flamme olympique ; à Nantes, des queens ont été menacées de mort pour faire annuler une représentation ; à Machecoul, une élue municipale a fait un amalgame entre drag et pédocriminalité pour demander l’annulation d’un show prévu à la fête de la musique ; à Montpellier, le groupuscule identitaire « Ligue du midi » a appelé à brûler les locaux d’un local recevant des lectures de contes pour enfants par des drag queens ; à Poitiers, plusieurs drag queens sont agressées…

Ce qu’il faut retenir

Le drag, c’est pas une affaire d’homme ou de femme. Ça on s’en fiche. Ce qui compte, c’est la performance, le maquillage, la chanson derrière, la tenue, le message que ça envoie ! C’est une forme d’art dont l’origine même est populaire, queer, antiraciste, anticolonialiste, antifasciste et libre. Voir un homme en drag queen, une femme en drag queer ou une personne non-binaire en drag king ça peut faire bizarre, ça bouscule l’image qu’on se fait de ce qu’est une femme ou un homme de plein de façons différentes. Mais ce ne sont que des performances qui sont là pour se moquer des attentes sociales et patriarcales. Avec du fun en plus.

Si vous voulez avoir l’occasion de voir un show drag à Besançon, suivez la « House of Detritus ». La House bisontine s’est créée en informellement en février 2020 avant de lancer ses premières performances publiques en mars 2021. À l’origine du collectif, on retrouve principalement PEES et Tarteocul, mais iels comptent aujourd’hui une quinzaine de membres. N’attendez pas ici du drag race tout propret ! Comme son nom l’indique, la « House Of Detritus » expérimente les thèmes de la monstruosité, de l’étrange, du dérangeant. Pour les suivre, n’hésitez pas à consulter leur « Instagram » et croyez-en mon expérience, le spectacle vaut le détour.

Image d’en-tête : la drag queen italienne Lorella Sukkiarini, en 2009 – crédit Dedda71/cc-by-sa-3.0.

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