Hier au siège du « Pays de Montbéliard Agglomération », la prestigieuse « Chambre de Commerce et d’Industrie » Saône-Doubs organisait une conférence intitulée « la guerre de l’énergie ». Avec en tête d’affiche un certain Fabien Bouglé, présenté par son hôte comme « expert en politique énergétique ». Devant une petite centaine de patron·ne·s, d’institutionnel·le·s, ou encore d’universitaires, l’intéressé abordait longuement sa vision géopolitique quant aux tensions liées à l’accessibilité des ressources. Parlant clairement de « nouveau conflit mondial », l’intervenant expliquait en quoi cette thématique pouvait directement intéresser le monde économique local. Mais derrière le vernis de spécialiste, bien des interrogations demeurent concernant le parcours de ce « juriste de formation, chef d’entreprise et ancien officier de réserve de gendarmerie ».

Car ce qui n’est jamais exposé, c’est que Fabien Bouglé est d’abord connu en tant que militant nationaliste et catholique. Figure de « la Manif pour Tous » sous laquelle il fut élu conseiller municipal de Versailles de 2014 à 2020, cet ancien partisan de François Fillon s’est ensuite rapproché de Marine le Pen et d’Éric Zemmour. Polémiques aux relents homophobes en 2014, positions hostiles aux réfugié·e·s en 2016, attaques violentes contre un islam jugé incompatible avec la République en 2017… Après un mandat turbulent, il s’est ensuite consacré à une hostilité farouche aux énergies renouvelables. Dénonçant inlassablement le « lobby du vent », son combat est notamment porté via des canaux tels que « Breizh info », « Boulevard Voltaire », « Fdesouche », « l’Action française », « l’Incorrect », « Audace », « le Salon beige », « Frontières », etc.

Mais au-delà de ces plateformes, on peine encore aujourd’hui à trouver des qualifications réelles et des travaux scientifiques sérieux. La CCI du Doubs elle-même est restée très évasive sur son champion, sobrement dépeint comme « l’auteur de nombreuses études et tribunes », « auditionné par la commission d’enquête parlementaire sur les énergies renouvelables en 2019 » et « [conseil] de nombreuses personnalités de tous bords politiques ». Sans manquer de renvoyer sur ses trois livres, respectivement dédiés aux éoliennes, au nucléaire et à la guerre de l’énergie. Pas davantage de précisions avec le partenaire officiel de l’évènement, le quotidien régional « l’Est Républicain ». Dans un article promotionnel du 17 février dernier, la propriété du « Crédit Mutuel » se contentera ainsi d’annoncer le programme sans apporter la moindre analyse journalistique.

Reste une somme de doutes et de réserves, posées par divers médias comme « le Monde » en 2022. Mais aussi lors d’une réunion publique, le 12 janvier 2023 près de Besançon. Invité par un collectif d’habitant·e·s refusant l’implantation d’un parc éolien à Nancray, le curriculum vitae de cette guest-star va remonter. L’occasion pour Fabien Bouglé de défendre dans la presse une « démarche de concorde citoyenne », qui se veut « apolitique » et détachée de « ses engagements sociétaux ». Mais sur place, nous avions constaté que les vieux réflexes demeuraient… Aux approches subjectives et approximations sémantiques, l’exposé était régulièrement ponctué de piques lancées aux écologistes et à l’activiste Greta Thunberg. Si la richesse du débat se révèle grâce à la pluralité des opinions, la transparence sur les contradictions devrait aussi être une exigence démocratique.

 

Illustration d’en-tête : Éoliennes, aux États-Unis – Drew Hays/Unsplash.

À lire aussi