Signée le 24 juin 2019, la convention du « programme de rénovation urbaine » promet de transformer durablement le quartier de Planoise. Alors que de nombreux blocs sont déjà tombés sous les coups de pelleteuses, au final ce sont près de 1 200 appartements qui doivent disparaître. Faire table rase du passé, afin de favoriser l’émergence d’autres infrastructures, parcs et habitats ; un nouvel envol pour la population à l’horizon 2030, c’est en tout cas le pari de la municipalité. Mais sur place, en attendant, le projet continue d’essuyer les critiques, parfois vives. Entre les conditions de départ, les interrogations quant à l’atteinte au patrimoine, ou encore les ambitions trop excessives, certaines oppositions persistent. Dernièrement, la « Confédération Nationale du Logement » (CNL) a ainsi décidé de hausser le ton.

Le sujet n’est pas récent, mais il revient régulièrement sur le tapis. Avec les destructions d’immeubles qui se succèdent, ce sont autant de locataires qu’il faut prendre en charge. Si certain·e·s saisissent alors l’opportunité de s’implanter dans un secteur notamment extérieur à la ville, quelques-un·e·s espèrent bien conserver leurs habitudes tant que possible. C’est surtout pour celleux-ci que la situation vire parfois au cauchemardesque, ainsi que l’établissent divers témoignages relatifs aux premières tranches square Vincent Van-Gogh. Encore aujourd’hui, plusieurs dossiers alertent, comme aux Époisses, où les membres de la CNL viennent d’intervenir afin de dénoncer « le coût humain, écologique et financier de ce NPRU ». Auprès de l’ultime résidente de ce qui est devenu une friche, tous et toutes sont revenu·e·s sur cet exemple.

Chauffage coupé, absence d’eau chaude, communs délabrés… Jusqu’à l’expulsion judiciaire, l’intéressée ayant refusé de multiples propositions jugées insatisfaisantes. « Le temps que tout me soit notifié par le tribunal, nous étions parvenus à un accord avec le bailleur. Le déménagement devait s’opérer le 31 janvier à 15h00, mais à 14h45, police et huissiers sont venus à ma porte pour exécuter le jugement. C’est donc une société de nettoyage qui a géré l’opération, mes affaires étant évacuées comme des gravats. Les meubles ont pu être stockés, mais mes affaires ont terminé dans des sacs poubelle » relate cette retraitée, encore choquée. Un traitement qui scandalise Michel Boutonnet, référent de l’association. « On ne considère pas les gens avec dignité, ielles doivent rentrer dans des cadres et délais décidés en haut-lieu, sinon c’est tant pis pour elleux ! »

Le militant rappelant aussi ses réserves de fond, de l’absence de décision populaire à la raréfaction des ressources. « Les réunions et ballades de concertation, c’était de l’enfumage ; qui, ici, peut dire qu’ielle a pu peser sur son sort ? Ces constructions, elles sont spacieuses, solides, avec toutes les commodités… À une époque où le béton devient une denrée précieuse, gâcher un tel capital est une ineptie, surtout pour une majorité écologiste. Cet ensemble devrait imposer qu’on réfléchisse collectivement à des alternatives, loin d’être déraisonnables. À quelques pas d’ici, les pouvoirs publics présentent avec fierté le Logis 13 Éco avenue de Bourgogne. Avec des sommes aussi importantes, on aurait pu faire le choix d’une rénovation ! » Une colère qui vient de prendre un tour procédural, l’arrêté visant un édifice de la rue de Champagne venant d’être contesté.

Tribunes dans « la Passerelle », analyse d’urbanistes suisses, avis de la « Maison de l’architecture », les voix ne manquent pas pour alimenter la réflexion. Amenant aussi des débats complémentaires, avec l’administration du réseau de chaleur, la résidentialisation des pieds d’immeubles, ou encore l’abandon de la petite ferme. « La question, c’est de savoir où on va, pourquoi piétiner le vécu et le ressenti des citoyen·ne·s en sacrifiant un héritage labellisé. Les responsables en poste pensent pouvoir faire de Planoise un remake de Lyon Croix-Rousse, en poussant à de l’investissement entrepreneurial et immobilier après une politique de la terre brûlée. Mais je ne crois pas que les classes moyennes et supérieures viendront là, quelle que soit la vitrine. Un énorme gâchis, c’est ce qu’il risque de ressortir » pronostique une ancienne riveraine, depuis exilée au Canada.

 

Illustration d’en-tête : Démolition d’un bâtiment, rue de Cologne.

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