Hier à Planoise, plusieurs conférences étaient organisées autour des démolitions d’immeubles relatives au « plan de renouvellement urbain » ; une première proposée le matin au centre Nelson Mandela par la « Confédération Nationale du Logement » (CNL), une seconde l’après-midi au théâtre de l’Espace sous l’égide de la « Maison de l’Architecture – Franche-Comté ». Deux salles, mais une même ambiance au final : Pour les intervenant·e·s, la politique actuellement menée est délétère à de nombreux points de vue. Une analyse que nous avions déjà esquissée le 16 mai dernier, mais qui fut ici d’autant plus soutenue par l’expertise des un·e et des autres.
270 000. C’est le nombre total d’appartements visés par les différents programmes de destruction entre 2003 et 2030, dans une centaine de sites sur toute la France continentale. Un chiffre considérable, qui concerne très directement Besançon et désormais Planoise. 600 logements y sont déjà tombés depuis 2020, autant doivent encore disparaître dans les cinq prochaines années. Une métamorphose inouïe restituée par Gérard Bruot, président du club photo dont la collection d’archives a permis de retracer la vie du quartier. Ancien·ne·s et nouvelles générations oscillaient ainsi entre mémoire et découverte, du premier sillon aux transformations des derniers mois.
Professeure associée à « l’HEIA » de Fribourg, Isabel Concheiro a pris le relais quant à l’impact social, environnemental et architectural de telles mesures. « Le maître-mot, c’est valeur. La valeur culturelle et historique des projets, la valeur paysagère des quartiers, la valeur architecturale des logements, la valeur de l’expérience des habitant·e·s, la valeur environnementale des structures et espaces naturels. On ne peut pas considérer qu’il n’existe qu’une seule solution, sans jamais réfléchir sur les impacts et alternatives. On devrait systématiquement placer la population au cœur du débat public, en réalisant des diagnostics de valorisation » a-t-elle notamment expliqué devant une quinzaine de personnes.
Un fil rouge repris ensuite, la spécialiste étant aussi invitée avec Pierre Gérard Bendele, architecte du patrimoine, Simon Texier, historien de l’architecture moderne, ainsi que Bruno Dulibine, membre de la CNL. Toutes et tous dressant le constat d’un dialogue rompu avec les autorités, enferrées dans une logique qui s’observe au-delà du cas lourd et emblématique de Planoise. Les protagonistes dressant ainsi une liste locale édifiante, sur ce patrimoine public et privé du XIXe et XXe que l’on a abattu souvent sans sommation : Maternité « la Mère et l’Enfant » et bâtiment Ledoux, église Saint-Jean Bosco, compteurs Schlumberger, marché couvert, caserne Vauban…
Un phénomène jugé inquiétant, amenant à ce que des voix se prononcent enfin. « L’avenir d’un quartier, il doit d’abord passer par ses habitant·e·s. Il ne s’agit pas de nier les problèmes existants, la déconstruction peut être une piste dans certains cas. Mais ce qu’on dit clairement, c’est qu’elle ne peut pas être une voie unique. À notre sens, on doit complètement reconsidérer cette conclusion devenue la règle, qui ne devrait s’imposer que si c’est l’option réellement plébiscitée des résident·e·s, ou que la réhabilitation s’avère trop compliquée. Ce qui n’est plus supportable, c’est de trancher sans les concerné·e·s et de nier la richesse de ce capital » a-t-il été résumé à la cinquantaine de spectateurs/spectatrices.
Illustration d’en-tête : Aperçu de la deuxième conférence organisée par la « Maison de l’Architecture – Franche-Comté », l’après-midi au théâtre de l’Espace.