En 2006, il y a 19 ans, Dalila emménage dans un spacieux appartement situé au troisième étage de la barre du 2 rue de Champagne à Planoise. Elle qui travaille de nuit en tant qu’aide-soignante dans un EPHAD, a pu jouir pleinement de son logement durant 15 ans. Mais, à partir de 2021, elle commence à voir ses conditions d’habitation se dégrader.

En début d’année 2023, dans le cadre du large projet de transformation du quartier de Planoise prévu par le Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU), elle apprend qu’elle va devoir quitter son logement avant que celui-ci ne soit détruit. Acté début 2019, ce grand plan ciblant au niveau national 480 quartiers « présentant des dysfonctionnements urbains » devrait aboutir en 2030. Avec pour but d’intervenir « fortement sur l’habitat et les équipements publics, pour favoriser la mixité dans ces territoires » une enveloppe de plus de 12 milliards d’euros a été mis sur la table. Au total, ce sont plus de 3 millions d’habitants qui vont avoir à connaître les conséquences de ce gigantesque plan immobilier. Près de la moitié de ces quartiers sont répertoriés comme d’intérêt national, les autres étant d’intérêt régional. À Besançon, le quartier de Planoise fait partie de la première catégorie. Celui de la Grette à quant à lui été rangé dans la seconde.

Relogée depuis juin 2024 à Planoise, elle avait refusé un certain nombre de propositions de logement au regard de prix, de la surface et de l’aménagement de ceux-ci, qui n’avaient rien de comparable avec son logement rue de Champagne.   

Le reportage que nous vous proposons ce mois-ci a été réalisé en janvier 2024. À l’époque, Dalila était une des dernières personnes à vivre à l’intérieur du bâtiment. En tant que femme seule, elle disait craindre pour sa sécurité, chose qu’elle n’avait jamais ressenti depuis son arrivée dans le quartier.

Le Ch’ni vous emmène donc en images rue de Champagne pour comprendre ce qui se joue lorsqu’un tiers décide pour vous de vous faire changer d’habitation et pour faire un dernier tour du propriétaire avant la démolition, qui devrait intervenir très prochainement. 

Je me suis préparée, je sais qu’il faudra que je parte, mais je serais bien restée. Je vois que l’immeuble se dégrade. J’avais une autre possibilité c’était de courir dans le privé et puis de trouver un appartement. Mais dans le privé c’est quasiment impossible pour moi.

J’aime pas les inégalités et j’ai beaucoup été dans le milieu associatif, j’ai été déléguée syndicale. Si je peux aider, j’aide. Mais quand je vois ma voisine de 78 ans avec son déambulateur… ils nous mettent en danger. Il peut arriver n’importe quoi. J’ai l’impression que l’on est des pions.

Dès qu’elle a appris qu’elle allait devoir définitivement quitter son appartement, Dalila a commencé à faire ses cartons.
Pendant près d’un an, elle a vécu au milieu de dizaines de boîtes.
Dalila dit ne jamais avoir eu peur à Planoise. Mais depuis qu’une bonne partie des locataires sont partis, c’est une autre vie qui a commencée pour elle.

J’ai mis des guirlandes et avant de partir je les allume et le les mets dans le couloir.
Je me rassure.

Derrière ma porte, j’ai mis une ficelle avec un gros truc en cuivre. Si on me force la porte ça fera du bruit. Quand je pars au travail, je laisse une lumière et mets mon poste.

Seulement quelques appartements ont été murés par le bailleur Loge.GBM après le départ de leurs locataires. Il était ainsi possible de se rendre sans difficulté dans les nombreuses anciennes habitations de l’immeuble.
Faute d’intervention du bailleur, Dalila a elle même scotché les fenêtres d’un appartement se trouvant porche du sien.

Un jour mon badge ne fonctionnait pas. J’ai appelé Loge.GBM, et on m’a dit « pourquoi vous ne passez pas par la cave ? C’est ouvert ». Je lui ai répondu que je ne savais pas que la cave était maintenant une porte d’entrée .

On nous a mis en insécurité. On paye un loyer, le propriétaire nous doit jouissance de notre appartement et nous doit la sécurité. Là, ce n’est pas le cas.

J’ai honte de faire venir des gens chez moi, même ma fille ne vient plus. Quand elle arrive elle me dit « maman, comment tu fais pour vivre là ? » Il y a des gens qui ont des rats chez eux.

Les appartements de l’immeuble étaient grands, adaptés à toutes les situations familiales et confortables. En face de certains appartements, il y avait des petits balcons.

Les locataires ici, ils mettaient des plantes et c’était joli. C’était un beau batiment.
Il y a 17 ans, c’était beau. 

À leur niveau, on parle de chiffres. Plus ça traîne, plus ça coûte cher.

Avant l’annonce du projet de démolition du bâtiment, les 180 logements de la barre au quatre cages d’escalier étaient occupés.
L’immeuble rue Picardie, et rue de Franche-Comté faisant face au batiment de Dalila va lui aussi être détruit. Au total à Planoise, 1200 logements vont disparaitre.
Tous les appartements proposés à Dalila pour son relogement étaient tous plus petits et tous plus cher.

Je me sens bisontine, je n’ai pas de préférence pour le quartier. Mais je veux vivre dans un quartier où je peux vivre bien, où j’ai tout à proximité. Dans ma demande de logement j’ai dit que j’avance dans l’âge, et que si un jour j’ai plus de voiture, je ne veux pas être isolée. Je veux avoir les transports en commun et des commerces de proximité.

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