Ce vendredi matin, le tribunal de grande instance était sous le feu des projecteurs. Le groupuscule identitaire « Némésis » et ses quelques soutiens s’y étaient en effet donné rendez-vous, afin d’appuyer leur unique membre active dans la région, Yona Faedda. Laquelle était poursuivie du chef de « diffamation publique », après avoir associé Anne Vignot à de prétendues violences sexuelles perpétrées par de mystérieux « étrangers ». Côté extrême droite, une flopée de starlettes étaient annoncées pour l’occasion, comme Sarah Knafo, eurodéputée et compagne d’Éric Zemmour, ou Vincent Lapierre, propagandiste formé auprès du théoricien antisémite Alain Soral. Mais, finalement, seule Alice Kerviel, fémonationaliste passée par « l’Action Française », devenue une spécialiste des fictions hagiographiques, comptera parmi les personnalités mondaines.
Une sélection de choc destinée à contourner un malaise palpable, celui d’une absence manifeste d’assise populaire. Malgré les renforts parisiens et les nombreux appels à l’aide, la solidarité concrète s’est limitée à une poignée de partisan·e·s, qui, loin du triomphalisme des réseaux sociaux, ont rejoint le banc des accusé·e·s à la hâte et sous bonne garde. On y retrouvait, en particulier, Matteo Bachetti, un temps proche des « Vandal Besak », Fabrice Galpin, référent régional « Reconquête », ou encore Valérie Graby, conseillère régionale du « Rassemblement National ». Via leurs sempiternelles vidéos autopromotionnelles, les protagonistes cachaient d’ailleurs assez mal leur anxiété face à cette « ville d’antifas ». Ayant probablement en tête des précédents peu glorieux pour le camps « patriote », comme l’épopée de deux néonazis qui avaient vandalisé la statue de Victor Hugo en 2023.
Sans surprise, en plein festival thématique, les opposant·e·s se sont donc à nouveau organisé·e·s en rassemblement, estimant que « les actes racistes et xénophobes sont et resteront intolérables à Besançon ». Une soixantaine de participant·e·s, comprenant des autonomes, des syndicalistes, ainsi que des élu·e·s de la majorité. La maire est d’ailleurs passée saluer les manifestant·e·s, renouvelant « une détermination sans faille face à ces idées nauséabondes ». À l’arrivée de la mise en cause, une sono passe en boucle « l’entrée des gladiateurs », une musique destinée à ridiculiser les adversaires du jour, ciblant leur politique du « ouin ouin ». Mais, rapidement, c’est le slogan « pas de fachos, dans nos quartiers, pas de quartiers, pour les fachos » qui s’est imposé. Les effectifs de police, dépêchés en grand nombre, essayant de cadrer la situation, pour éviter tout débordement.
Concernant le dossier, il ne sera examiné qu’au cours de la matinée après un autre passage pour « violences conjugales ». La prévenue, revendiquant pleinement ses propos, requérant que son cas soit traité, sous l’égide de maître Frédéric Pichon, qui se dépeint comme « national-catholique » ; pour la partie civile, au contraire, ces poursuites, intentées par le parquet, devaient se confondre avec un second volet, cette fois engagé par la plaignante, les deux affaires relevant de discours liés à une action le 8 janvier dernier. Une requête rejetée, ouvrant donc un jugement immédiat. Viennent alors l’étude des éventuelles entraves de forme soulevées, en particulier les vices relevés quant à la citation émanant du ministère public ; reconnaissant que l’institution s’est « prise les pieds dans le tapis », le substitut du procureur ne pourra qu’abonder dans le sens d’une « nullité de la procédure ». Une motivation suivie et actée par les magistrat·e·s, qui prononcent dès lors la relaxe.
Dans la salle, l’ambiance est restée tendue. Une personne témoin dans l’instance précédente, racisée, étant par exemple prise à partie par l’avocat de la défense, accusée à tort d’avoir filmé les débats, lui valant un contrôle en pleine audience. Le climat ne s’est pas apaisé avec le dénouement, bien au contraire. Le verdict se transformant même en une nuée de supporters/supportrices et journalistes autour d’Alice Kerviel, laquelle tenait aussi à se confronter directement à Anne Vignot. L’échange s’est ainsi mué en véritable joute verbale, sous l’œil passif des uniformes, l’édile étant sans cesse coupée dans ses explications, quand ses mots n’ont pas été écrasés par des aboiements de la foule, criant « mensonges », « propagande », ou la conclusion lancée par maître Frédéric Pichon, assénant « et ça, c’est financé par l’argent public ». Peu avant 12h00 et la décision, la rue Laurent Mégevand était quant à elle déjà redevenue calme. Avant le prochain round, prévu d’ici huit mois environ.
Illustration d’en-tête : Aperçu de la contre-manifestation, devant le palais de justice de Besançon. Au milieu, une pancarte proclame : « le racisme tue ».