Ielles n’étaient qu’une petite vingtaine, réuni·e·s hier soir sur les marches de l’église Saint-Pierre. Une poignée de téméraires dont la pugnacité tranchait avec l’atmosphère, entre les allées bondées de la grande braderie et la terrasse animée d’un bar. « Notre présence tient plus de l’action symbolique que du rassemblement, mais nous tenions à être là » assume-t-on. Car c’est ici que, six jours plus tôt, un homme, a été retrouvé mort, seul. Le deuxième décès local qui serait lié aux températures, après le malaise d’un salarié qui s’était plaint des fortes chaleurs. Mais le leitmotiv ambiant agace les activistes, pour qui le soleil n’est que le paravent de réalités sociales et politiques. Aux pancartes tranchées et aux packs d’eau distribués en maraude aux plus fragiles, quelques mots.
« Aujourd’hui, tout le monde semble d’accord pour blâmer la canicule. Un article de France Bleu prend la peine de préciser qu’une bouteille de bière avait été retrouvée à ses côtés, l’info ne sert à rien mais laisse planer un doute : en plus de la fournaise, l’alcool serait peut-être responsable. Quoi qu’il en soit, on sent bien les efforts pour ne pas dire ce qu’on sait pourtant toustes : Les gens qui n’ont pas de domiciles sont susceptibles de mourir dans la rue, de chaud, de froid, par manque de soins, dans la solitude et l’indifférence » fut-il déclamé. Une prise de parole qui a également soulevé le manque de moyens dans les centres d’accueil, enfermement et insécurité, surtout pour les personnes sexisées, persistant malgré un personnel « qui fait souvent de son mieux dans des conditions difficiles ».
« Il ne s’agit pas de savoir pourquoi les gens sont à la rue, ni de discuter à partir de combien de degrés dormir dehors est un danger. Le seul problème, c’est que la précarité existe encore ! Alors que le nombre de SDF aurait doublé en dix ans, il est inconcevable de constater qu’ il existe encore des habitations vacantes, inoccupées. Que certain·e·s capitalisent à l’infini en cumulant les biens immobiliers, quand d’autres doivent choisir entre se loger une nuit à l’hôtel ou se nourrir ». Après de multiples déclarations jusqu’au gouvernement, élu·e·s et officielle·s sont tout autant étrillé·e·s : « Ces regrets apitoyés et cette condescendance ne suffisent pas, quand ils ne s’accompagnent pas d’une vraie démarche politique pour proposer des conditions de vie décentes à chacun·e » poursuit-on.
Rappelant que le dérèglement climatique est certes à l’origine des perturbations météorologiques extrêmes, un orateur achève : « Mais c’est bel et bien le capitalisme qui brise les vies des précaires et des prolétaires, qui nuit à la biodiversité. C’est le consumérisme et la recherche éternelle de profit qui participent activement à saboter, en France, dans le monde, partout, l’existence de celleux qui sont asservi·e·s par le capitalisme et n’en profitent jamais. Et pour ça, nous avons donc une pensée pour cet ouvrier décédé lundi à Besançon, après avoir travaillé sur un chantier toute cette journée de canicule. Si la canicule affecte tout le monde, ce n’est pas elle qui tue. C’est l’indifférence, la violence de classe et l’inaction ». Au bout d’une heure, la place était restituée, sans bruit ni éclat, aux étals et troquets.
Illustration : Aperçu du rassemblement sur les marches de l’église Saint-Pierre de Besançon, avec de nombreuses pancartes dont certaines affichaient par exemple « avec ou sans papiers un toit c’est un droit », « fuck les R BNB », « logements salubres et adaptés pour toustes », « le capitalisme tue », ou encore « c’est quel degré d’indifférence ».