Pour cette « chronique du lobby », « le Ch’ni » entend être le relais de l’actualité sociale. Alors que les appels au « blocage du pays » à partir du 10 septembre se multiplient, les débats suscités au sein des citoyen-ne-s et des diverses organisations militantes se poursuivent. Dans ce flot, un partisan nous a adressé ce texte que nous reproduisons. Selon ce travailleur social comtois plutôt à gauche, l’issue est claire : la mobilisation doit être saisie par le grand nombre.

De quoi le « 10S25 » est-il le nom ?

Bien que la genèse de cet appel soit maintenant connue, il est important d’en rappeler les causes. Celles-ci sont multiples et cet appel en est le catalyseur. Passant par la mobilisation massive et plurielle, le dessein du mouvement doit être l’ingouvernabilité qui permettra l’établissement d’une société plus juste, plus horizontale, débarrassée de toutes formes d’oppression induite par un néo-fascisme lattent, sous-produit du capitalisme néo-libéral dans lequel le monde baigne.

L’apolitisme de façade de cet appel devient caduc tant les revendications, l’organisation et les modes d’actions proposés penchent à gauche. Cette volonté de ne faire partie d’aucun camp est à mon sens une stratégie visant à n’exclure personne et à ne froisser aucune sensibilité. Le travail visant à éliminer tout propos flirtant avec les idées d’extrême droite et son monde se faisant au fil de l’eau par modération, pédagogie et « combat ». La révolution n’attend pas que la masse laborieuse s’accorde pour advenir. Elle advient car le contexte fait qu’il est urgent de renverser la table.

La lutte des classes est sans aucun doute un des moteurs de cet appel. Rien n’est plus transversal et universel, dans un monde capitaliste, que la classe sociale à laquelle les individus appartiennent. Au-delà du genre, de l’origine, de l’orientation sexuelle, de l’appartenance religieuse, comme marqueurs influençant les rapports de dominations, la classe sociale reste le marqueur déterminant qui viendra, ou non, amplifier ces rapports.

« Il y a une lutte des classes aux États-Unis, évidemment, mais c’est ma classe, la classe des riches qui a mène la lutte. Et nous sommes en train de gagner. »
Warren Buffet, le 25 mai 2005 lors d’une interview pour CNN.

Le « 10S25 » est le début d’une lutte des classes et intersectionnelle consciente, initiée et conduite par la base ! Etudiant·es, chômeuses et chômeurs, salarié·es, petit·es patron·nes, personnes LGBTQIA, personnes porteuses de handicaps, chrétien·nes, juif·ves, musulman·nes, athé·es, monde rural, quartiers populaires, migrant·s, jeunes, vieux, marginaux etc., toutes ces personnes qui, de part leurs conditions sociales, ne peuvent s’émanciper d’un pouvoir toujours plus violent et autoritaire.

Afin de ne pas entretenir le schéma écrit et dicté depuis bien trop longtemps par les dominants, demain se pense ensemble. Alors soyons au rendez-vous.

Pourquoi maintenant ?

Parce que la précarisation au nom du profit.
Parce que la répression de toutes pensées ou comportements divergents.
Parce que l’aliénation des masses.
Parce que le racisme systémique.
Parce que l’outrance permanente.
Parce que l’impunité d’un pouvoir maltraitant.
Parce que la fascisation à grand pas.
Parce que les victimes de ce système sont toujours plus nombreuses.
Parce que la cocotte ne peut contenir plus de pression.
Parce une potentielle révolte à la hauteur des attaques subies est possible.
Parce que cet appel n’émane pas de centrales syndicales ou de parties politiques.
Parce que cet appel a rapidement été investit par la base.
Parce qu’il est autogéré.
Parce qu’il fédère.
Parce qu’il n’a pas de chef.
Parce qu’il fait buguer les chiens de garde.
Parce qu’il brouille les pistes.
Parce qu’il effraie le pouvoir.
Parce qu’il en va de notre responsabilité.
Parce qu’il faut tout repenser.
Parce que, parce que, parce que….
Parce que plus tard ce sera trop tard.

Pourquoi faut-il y être ?

Pour teinter ce mouvement d’auto-organisation, de démocratie directe et d’une volonté forte de justice sociale.
Pour que la transformation escomptée soit à la hauteur des injustices subies et évidemment pour vivre décemment.
Pour en finir avec l’écocide en cours.
Pour régler le problème du néo-colonialisme à la base, ici sur le « vieux continent », car notre attentisme complice cause misère et désolation dans de trop nombreux territoires.
Pour foutre une poignée de graviers dans les rouages trop bien huilés de leur machine.
Pour faire feu de tout bois et leur rappeler que nous sommes le nombre et nous en sommes conscients.
Pour faire converger nos luttes, sans hiérarchie, dans un objectif commun : en finir avec ce model oppressif et injuste.
Enfin et surtout, pour ne pas laisser, demain, d’ouverture à ce vieux monde qui tenterait de forcer à nouveau la porte.

Vers une saine utopie plutôt qu’un attentisme mortifère

Faire sauter Macron ou Bayrou, attendre la prochaine échéance électorale en se tournant les pouces et espérer que les nouveaux maîtres désignés par les urnes soient plus érudits, ne changera pas la système. Souhaiter un changement de devanture, mais laisser l’arrière-boutique intacte ne changera rien non plus car nous n’appartenons pas à la classe sociale de nos dirigeant·es. Notre quotidien leur échappe totalement.

Comprenons que nous ne pouvons pas déléguer l’administration de nos affaires, de notre quotidien, de notre intimité à quelques professionnel·les bien né·es. Nous ne pouvons pas continuer à remercier les quelques vautours libéraux pour les miettes concédées. Tout ça n’est que pure folie, alors envisageons demain ensemble.
Comprenons aussi que face à la puissance de l’appareil d’État, le travail de fond sera long tant nos armes sont inégales. Mais ce sera sans compter sur le génie commun, sur ce sursaut qui nous pousse à réinventer des manières de se parler, de s’organiser, d’échanger, d’agir, de décider, d’évaluer et ajuster nos actions.

Pour le « 10S25 » et pour les jours qui suivrons mettons de côté l’égo, le mépris et comptons sur l’intelligence de la masse en colère pour lutter sainement. C’est un nouveau mode de fonctionnement et de lutte qui doit se propager au-delà des cercles militants rompu à l’exercice.

Pour celles et ceux, méfiante·s, qui attendent de ce mouvement qu’il soit « pur » et composé de personnes issues d’un « bon peuple de gauche » n’existant que dans leur « conception fétichisée de l’acteur populaire », qu’ils se rassurent : la société ne deviendra pas plus fasciste, raciste, sexiste, homophobe etc. elle l’est déjà !

Cette partie de la société qu’on ne souhaite plus voir exister, qu’on préfère snober ou traiter d’idiote, de beauf, d’inculte etc. a également toute sa légitimité à entrer en lutte. Gardons notre colère pour des Bolloré ou des Stérin qui façonnent l’opinion à grands coups de millions.

Soyons bienveillant·es envers nos « camarades » égaré·es. Pour celles et ceux qui choisissent, par dépit, par paresse intellectuelle, par lassitude ou encore par écœurement la voie simpliste et dangereuse de l’extrême droite, ramenons les à la raison. Mais combattons avec acharnement les convaincu·es !
Les échanges, en réunion, en manifs, ne peuvent être qu’enrichissants. Il peut être épuisant de déconstruire, de débattre, « d’éduquer » (en toute humilité), mais cela est nécessaire et intrinsèquement lié à la lutte.
Gardons nos beaux discours de combats pour des camarades historique de lutte et mettons les formes pour accueillir de manière large.

Ainsi, nous avons besoin de toutes les forces vives débarrassées des clivages partisans qui nous éloignent. Car au fond c’est nous, le peuple au sens large, qui doit faire face à eux, les élites, les puissant·es, les dirigeant·es. Nous devons prendre la vague tôt et cesser de ruminer les vieilles luttes radicales qui tendent à marginaliser et à fissurer, encore plus le tissu social, déjà bien fragile.

Ce système inégalitaire, basé sur de la haine, du racisme, du sexisme, des phobies en tout genre, est un système où l’oppression et l’exploitation garantissent les privilèges d’une minorité de possédants. Mettons-le à bas et reprenons tout, nous saurons quoi en faire !

(Ce texte en forme d’appel se veut fédérateur, la forme, l’analyse, les hypothèses et perspectives évoquées n’appartiennent qu’à son auteur, le reste appartient aux acteurices de ce mouvement)

Illustration d’en-tête : Manifestation des « gilets jaunes », le 24 avril 2019 devant la maison d’arrêt de Besançon.

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