À Besançon, ces « petit·e·s commerçant·e·s » qui soutiennent le mouvement « bloquons le pays »

Loin des unes médiatiques tapageuses, la voix des « petit·e·s commerçant·e·s » sur le mouvement « bloquons le pays » ne se limite pas seulement aux condamnations d’un lobby néo-poujadiste très en vue. Si peu exposent ouvertement leur engagement à la date du 10 septembre, beaucoup de patron·ne·s rencontré·e·s ces derniers jours au centre-ville de Besançon reconnaissent comprendre sinon partager et soutenir la grogne. Quant aux prévisions apocalyptiques avancées par certain·e·s prophètes, elles semblent bien moins craintes qu’annoncer… Un consensus s’ouvrant plutôt sur le contexte socio-économique délicat, en premier lieu pour une population dont le pouvoir d’achat n’a eu de cesse de baisser.
« Pour nous mercredi, le rideau sera baissé. On ne sait pas encore comment chacun·e ici s’impliquera dans cette contestation naissante, mais on souhaitait déjà partir là-dessus. On en a discuté avec d’autres collègues du secteur, la plupart seront dans le même cas. Je ne sais pas si ça va se faire, mais on n’exclut pas de rédiger un communiqué commun et de lancer un appel à se retrouver aux manifestations ». Auprès des gérant·e·s de « l’Éphéméride » place de la Révolution, la parole recueillie par nos soins est limpide. À l’instar du « Carpe Diem » place Jean Gigoux, mais aussi des « Fils de la Chimère » ou du « Titty Twister », tous deux situés quai Vauban. Ces établissements sont réputés engagés et ne comptent pas manquer à ce renom, non sans quelques précisions.
« Est-ce qu’être sensible aux réalités du pays, c’est forcément prendre partie… Les tenanciers/tenancières et salarié·e·es de bars, brasseries, estaminets, on est directement au contact des gens, on vit comme et avec elleux. Donc forcément, les préoccupations du moment nous touchent particulièrement. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, le plus souvent, ce sont les bistrots et cafés qui, dans l’entreprenariat local, affirment une sympathie plus ostensible aux contestataires. La vie n’est pas facile pour beaucoup de monde, on est en première ligne pour le constater. Venant juste de me relancer après de longs travaux je ne pourrai pas fermer, pour autant je ne cache pas mon soutien » explique à son tour le nouveau propriétaire du « Marulaz » sur la place du même nom.
Comme elleux, combien sont-ielles à ne pas se laisser passivement réduire à une catégorie, par défaut matérialiste et réactionnaire, sous l’œuvre de leurs « représentant·e·s » et de la presse grand public ? « Durant les gilets jaunes, les boutiques de proximité n’étaient pas les dernières à réagir. Beaucoup donnaient leurs invendus ou faisaient un geste, surtout en ruralité. Mais pas seulement, on se souvient de Stéphane Ravacley, dont la boulangerie a fourni pains et viennoiseries. Pour l’essentiel, ielles veulent toutefois rester discrets/discrètes. Les blocages sont compliqués, évidemment. Mais un·e négociant·e proche des client·e·s, ielle parviendra à renverser cet obstacle. Comme la paysannerie, au-delà de l’étiquette, c’est l’humain qui fait la différence » tance une chasuble.
Reste que sur la conjoncture, même les plus dubitatifs/dubitatives s’accordent. « Macron, je ne lui trouve pas que des défauts. Mais quand on a une boîte modeste ou qu’on vit sur une seule paie, c’est clair qu’on se fait taper dessus. Produits manufacturés asiatiques qui inondent le marché, poids des grandes chaînes, vieilles-villes abandonnées par les politiques… Après, ce qu’il faut aussi, c’est de pouvoir vivre décemment, avec une perspective viable. Que le travailleur/la travailleuse lambda ne soit pas étouffée entre son essence, son crédit et ses taxes. Sur ce point, je ne partage pas le triomphalisme présidentiel. Le bordel va nous faire chier, mais dans ces conditions, c’est presque étonnant que ça n’ait pas re-pété avant » confie ainsi un boutiquier conservateur de la Boucle.
Illustration d’en-tête : Aperçu de la rue François-Louis Bersot en 2006, dans le centre historique de Besançon – Arnaud 25/Cc-by-sa-3.0-migrated.