Au mouvement « bloquons le pays », une démonstration de force inédite sur Besançon

S’appuyant sur un bilan contrasté à la mi-journée, certain·e·s engageaient déjà un pronostic pessimiste quant à la suite du mouvement « bloquons le pays ». D’un fonctionnaire de police qui pensait pouvoir « rentrer tôt à la maison » à un agent « Kéolis » soutenant que le trafic « Ginko » n’aurait que « des chances très faibles d’être perturbé », les protestataires elleux-mêmes émettaient de vrais doutes après avoir été rapidement délogé·e·s du rond-point de Chalezeule. À partir de 12h00 place de la Révolution, il n’y avait d’ailleurs pas foule, beaucoup craignant alors que la journée ne se termine en défilé d’honneur tiède. Mais c’est finalement un ras-de-marée qui s’est lancé, emportant avec lui les cadres traditionnels et les interrogations.

6 300, c’est le chiffre avancé en interne par un compteur rôdé. Un flot qui a submergé en premier lieu les bureaucraties syndicales. Si la « CGT » s’est tenue à un rôle « d’accompagnement sans la moindre prise de contrôle », des membres de la « FSU » et de « SUD/Solidaires » ont, quant à elleux, essayé de poser d’emblée leur direction. Il n’aura fallu que quelques minutes avant qu’ielles ne soient lâché·e·s, complètement esseulé·e·s quai de Strasbourg. « Ce cortège voyait clairement une dynamique sauvage, jeune, autonome. Vu cette configuration et le nombre, il était donc inenvisageable de garder la moindre tutelle » gronde un « gilet jaune ». La chaîne policière se retrouvant soudainement privée de contact, plus aucune résistance n’était opposée à l’avancée de la foule.

Les lycéen·ne·s et étudiant·e·s représentent deux tiers à trois quarts du total, tenant les slogans relatifs à la Palestine, à l’antifascisme ou à la détestation d’Emmanuel Macron. L’essentiel des troupes gagne alors la gare Viotte puis la place Leclerc, avant de se scinder en barrage-filtrant in situ pour les un·e·s, ou en poursuite jusqu’à la rocade pour les autres. Un second objectif atteint vers 15h30, après un périple de trois kilomètres. « C’est historique, je crois bien que ça n’était jamais arrivé jusqu’alors » s’enthousiasme un encarté « Force Ouvrière ». La circulation se voit alors bloquée, la cohorte projetant même de persister sur cet axe afin de rejoindre le quartier de Planoise. Mais, dépêché·e·s en urgence, les uniformes stoppent l’éventualité par un tir de gaz lacrymogènes.

Une confrontation qui n’ira pas plus loin, la multiplication des points de tension limitant toute manœuvre de grande ampleur. Le retour s’effectuera en ordre dispersé, laissant apparaitre des graffitis « ACAB », « A cerclés » ou « Free Gaza ». Se retrouvant à Chamars, les protagonistes se sont ensuite mué·e·s en assemblée générale afin de décider de l’après. Un futur qui pourrait d’ailleurs s’écrire ce soir, pour les plus téméraires. « Au final, je suis super contente. Au lieu d’une marche plan-plan, on est parvenu·e·s à construire spontanément une mécanique concrète, autogérée et déter’. Sans qu’aller au casse-pipe ne soit une nécessité, on n’a pas reculé face à l’adversité. La confiance est là, ce qui sera déterminent pour la suite » analyse une trentenaire travaillant en usine.
Illustration d’en-tête : Aperçu du blocage de la rocade.