Prendre la parole, faire entendre sa voix

Alors qu’une tentative de blocage se faisait au rond-point de Chalezeule et que les étudiant·e·s bloquaient le site universitaire de Mégevand, les lycéen·ne·s du Lycée Pasteur s’engageaient aussi dans le blocage de leur établissement, en cette journée de mobilisation nationale du 10 septembre.
Les policiers dans la cour de récré
Dès six heures du matin, iels étaient nombreux et nombreuses à débuter le blocage des différentes entrées de leur lycée, une action calme et discrète mais qui sera rapidement entravée par l’intervention des forces de l’ordre appelées par la direction de l’établissement. « Au début c’était calme, détendu, on discutait avec l’administration, puis la police est arrivée à 7h pour sécuriser la route selon eux et depuis, ils grattent, ils grattent et cassent le blocage, là ils ouvrent l’entrée et sont dans le lycée » explique un lycéen membre de l’Union Syndicale Lycéenne (USL).
Peu avant le début des cours, il n’y avait pas moins de 12 uniformes, accompagnés de l’équipe de direction, à ouvrir un fin couloir permettant une entrée vers la cour de l’établissement. Avec l’afflux de nouveaux élèves, plusieurs véhicules de police arrivent et des renforts entrent dans l’établissement par un portail réservé aux livraisons, l’un d’entre eux étant équipé d’un lanceur cougar de grenade lacrymogène. Un choix qui interroge alors que dans la rue Girod de Chantrans, bloquée à la circulation en amont de la rue du Lycée par la police municipale, les discussions sont apaisées et élèves comme professeur·e·s discutent et restent sur le trottoir.

Des idées et du son
Puis d’un coup, une musique démarre, un lycéen prend un mégaphone pour expliquer la situation : « Personne ne nous écoute, nous sommes jeunes alors notre voix ne compte pas, mais nous aussi nous avons des choses à dire, nous aussi nous avons un avis, nous aussi nous ne voulons plus de ce gouvernement, alors aujourd’hui nous prendrons la parole, nous ferons entendre notre voix, aussi longtemps qu’il le faudra » s’exclame-t-il. Ovation parmi ses camarades, la musique repart de plus belle et le groupe à l’origine du blocage invite les autres élèves à ne simplement pas rentrer dans l’établissement. Rapidement lycéen·ne·s et soutiens arrivés du blocage raté de Chalezeule occupent l’ensemble de la chaussée et l’ouverture obtenue par l’administration devient inutile.
Le début de journée s’égaie avec la reprise par la foule de chansons révolutionnaires et de tubes populaires. Des drapeaux palestiniens sont hissés et le mur qui enferme le lycée est rapidement recouvert d’affiches, de pancartes et de banderoles qui colorent la rue habituellement cantonnée aux ternes nuances de gris. Des slogans fusent : « la jeunesse emmerde le front national », « free free Palestine », « Nous ce qu’on veut c’est la grève générale », « R comme raciste et N comme Nazi, à bas, à bas, Le Pen et Bardella », « Besak, Besak, Antifa », « Violeur on te voit, victime on te croit ». Une diversité de slogans que nous explique une lycéenne : « les combats se croisent, on est touché par tout un ensemble, si on veut changer les choses, ça sera sans racisme, sans fascisme, sans haine et sans guerre ».


Du collectif et de l’intersectionnalité
Il fallait tenir jusqu’à la dernière heure de la matinée pour bloquer totalement la journée de cours, iels l’auront fait sans peine, tant le soutien et la solidarité entre élèves ont été fermes et spontanés. Malgré un soutien existant de la part du corps enseignant, ce sont bien les lycéen·ne·s qui, de manière autonome, auront réussi ce coup de force. Une réussite, analyse l’un d’entre elleux : « On est heureux de cette solidarité, tout le monde chante, reprend les slogans et discute aussi, on vient d’apprendre pour Lecornu, on est pas dupe, on continuera à se battre contre la précarisation de l’enseignement et pour la politisation de la jeunesse ».
Que ce soit dans les slogans, sur les pancartes ou dans les échanges captés à la volée, la rue s’est transformée en véritable forum où chacun et chacune semble avoir sa place et où toutes les luttes semblent avoir la même importance. Une situation qui, bien qu’elle ait été initiée par des membres de l’USL, semble aussi s’être totalement détachée d’un quelconque cadre syndical ou partisan, suivant ainsi le caractère populaire, autonome et autogéré du mouvement national du 10 septembre. Un blocage réussi donc, et des lycéen·ne·s qui auront su enlever leurs bâillons avec succès, un exemple, peut-être, pour le reste du mouvement à venir ?


Image d’illustration : Blocage le lycée Pasteur au plus fort de la mobilisation vers 10h30.
Antoine Mermet/Hans Lucas