Placé en garde à vue le 10 septembre, il témoigne de ses conditions de détention

Mercredi 10 septembre, le mouvement « bloquons le pays » essaimait à Besançon. Si les opérations de l’aube ont été un échec, l’après-midi s’est imposée comme une démonstration de force. Dans cet entre-deux, les initiatives furent risquées. Exemple à Granvelle, lorsque trois étudiant·e·s se sont employé·e·s à étendre l’occupation de la fac aux rues adjacentes. Afin de contenir le trafic routier, iels placent ainsi trois poubelles, glanées dans le secteur, sur la chaussée. Alors que les barricades élevées plus tôt n’avaient fait l’objet d’aucune sanction, cette fois, la police va se montrer zélée.
Le trio est interpelé puis placé en garde à vue, au motif « d’entrave à la circulation ». Une arrestation qui se passe dans les cadres prescrits selon nos interlocuteurs, au contraire d’autres protagonistes malmené·e·s dans la soirée. Mais cette première expérience des geôles locales, l’un d’eux tient à nous la relater. Un récit précieux, qui démontre encore la problématique persistante des conditions et traitements indignes de détention. Si tous reconnaissent la matérialité d’un délit pour lequel ils sont poursuivis au pénal, il regrettent le recours à des mesures excessives aux réalités concrètes intolérables.
« J’ai été interpellé à 11h00 pour deux bacs placés sur la route, qui ont impacté la rue Mégevand pendant moins de dix minutes. Ça m’a valu une longue garde à vue. Arrivé au commissariat, on ne m’a pas fait signer l’inventaire de ma fouille. Nous étions trois dans une cellule en béton de 5m², dans un état de délabrement flagrant : Sol manifestement pas nettoyé depuis un certain temps, moisissures au plafond, absence ou manque de chauffage… Nous n’avions pas de couverture, sur toute la journée je n’ai pu recevoir que cinq à six gorgées d’eau. À de multiples reprises, j’ai indiqué aux agent·e·s en charge être placé sous traitements médicamenteux.
Cet impératif a été répété aux médecins réclamé·e·s, n’ayant pu voir le second praticien que tard et après cinq heures d’attente, ainsi qu’à mon avocate, qui en a fait part à l’OPJ lors de mon audition. Mais je n’ai obtenu aucune considération, ne disposant pas de traitement sur place ni d’une mesure d’interruption de la GAV pour être traité à domicile ou dans un établissement. Cette situation m’a valu des symptômes dépressifs et anxiogènes, assez marqués pendant la nuit. Tout au long de la journée du 10, on m’a répété que je recouvrerais la liberté avant le coucher du soleil ; et, par conséquent, que je pourrais rentrer chez moi me prodiguer des soins.

Au final, en début de soirée, on m’a fait comprendre que ça ne se passerait pas ainsi. Évidemment, la perspective de passer la nuit dans ces conditions m’a rendu anxieux. Lorsque j’ai voulu faire part de mes vives inquiétudes au geôlier, j’ai dû tambouriner sur la porte pendant plus de quinze minutes pour que quelqu’un se décide enfin à venir à ma rencontre. Alors que je peinais à trouver le sommeil, j’entendais un compagnon d’infortune, retenu un peu plus loin, bruyant du fait de son état manifestement alcoolisé. La seule réaction du policier a été de venir le voir pour lui indiquer qu’il rentrerait dans la cellule lui faire la tête au carré s’il ne fermait pas sa gueule.
Après vingt-quatre heures qui m’ont parues interminables, j’ai enfin pu sortir. Le tout assorti d’un fichage, avec clichés, empruntes et prélèvements biologiques. Sans oublier les questions assez intrusives, notamment quelles étaient mes revendications précises et si j’étais éventuellement affilié à une mouvance politique, syndicale ou idéologique. Avant l’incident, en pleine mobilisation, un uniforme n’avait déjà pas hésité à effectuer un contrôle d’identité, allant jusqu’à photographier ma pancarte pro-palestinienne… Je n’ai pas non plus échappé à une convocation devant le Procureur de la République, pour des faits que je juge d’une très faible gravité ».
Illustration d’en-tête : Intervention de la police le 10 septembre au blocage de Besançon-Chalezeule, au niveau de la D683 peu après 07h00.