Banderoles, amendes et interpellations… À Besançon, la venue de Raphaël Enthoven indigne les militant·e·s pour la Palestine

Dans le cadre du salon littéraire « Livres dans la Boucle », Raphaël Enthoven était reçu cette après-midi au « Fond Régional d’Art Contemporain » (FRAC). Après plusieurs semaines de polémiques visant le « philosophe » auteur de propos orduriers sur la Palestine, arrêtés préfectoraux interdisant toute manifestation et effectifs sécuritaires pléthoriques avaient été prévus pour juguler d’éventuelles protestations. Si le polémiste a eu toute latitude pour son intervention, ses critiques n’ont donc pas bénéficié d’autant de considération. Mais dans une ville sensible aux causes internationales, ces mesures n’auront pas suffi à freiner les opposant·e·s aux massacres. Plusieurs actions ont été ainsi menées, dans un contexte tendu.

À 15h00 au parking des Jacobins, une dizaine de personnes se sont retrouvées sous l’égide de « l’Association France-Palestine Solidarité » (AFPS). Quelques drapeaux, des affiches, ainsi qu’un tract, dans une opération déclarée. « L’objectif, c’est d’interpeler la population et de montrer que notre ville est consciente. On ne peut pas banaliser des affirmations aussi graves que la négation d’un génocide et l’incitation aux crimes de guerre. Certes, l’intéressé a tenté une dénégation surprise, mais ce n’est qu’une façon de revenir sur la forme, pour mieux assumer le fond. Les deux-cents observateurs/observatrices assassiné·e·s et celleux qui risquent encore leur vie méritent notre respect, sans elleux l’accès à l’information se résumerait à la seule version de Tsahal » explique une sympathisante.
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Pendant près d’une heure, les membres de « l’Association France-Palestine Solidarité » (AFPS) ont pu mener une action de sensibilisation auprès des automobilistes qui empruntaient l’avenue Arthur Gaulard. Avant de se voir verbalisé·e·s, les uniformes s’appuyant en ce sens sur un article méconnu du code de la route réprimant la distribution de tracts dans ces conditions.


Mais, rapidement, le ton monte, lorsqu’un agent procède au contrôle de deux activistes. Il leur reproche d’avoir enfreint l’article R.412-52 du code de la route, réprimant la distribution de dépliants aux occupant·e·s d’un véhicule. Un référent s’emporte, révolté : « Nous faisons comme cela depuis des années, ça n’a jamais posé de problème ! Les autorités étaient prévenues de la démarche, cette répression n’a pour objectif que de casser et invisibiliser nos opinions ». La cohorte repartira sur Chamars, afin de sensibiliser les lecteurs/lectrices : « On est pas là pour se foutre sur la gueule avec les bibliophiles et les libraires, beaucoup nous ont d’ailleurs affirmé leur solidarité sur ce sujet. Mais il faut être clair sur ce qu’on accepte ou pas, afin que ce genre de problématique ne se reproduise plus ».

Durant le trajet depuis Rivotte, un arrêt s’improvise lorsque Anne Vignot apparaît par hasard. Une discussion s’engage alors sur cette « affaire », à laquelle se rallient des badaud·e·s. Un retraité de passage exhibe l’ouvrage « un historien à Gaza » de Jean-Pierre Filiu, regrettant « de n’avoir pu le faire dédicacer par Enthoven, pour qu’il se renseigne un peu sur un domaine dont il parle sans en connaître la moindre réalité. Quand un écrivain assène le pire, c’est à chacun·e de prendre la parole pour ne pas laisser la Palestine dans le silence ». Pendant ce temps-là, sur le site-même de la conférence litigieuse, plusieurs personnes sortent du rang afin d’exhiber étendards et banderoles. Ielles ne paraderont que quelques secondes à peine, étant immédiatement interpelé·e·s et exfiltré·e·s.
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Près de la Mairie, un retraité croisé par hasard tenait à présenter sa lecture du jour : l’ouvrage « un historien à Gaza » de Jean-Pierre Filiu.


Entre le pont et le bastion de Bregille, une vingtaine de partisan·e·s issu·e·s du « collectif Palestine de Besançon » distribuaient également des imprimés. Si ses responsables pratiquent harcèlement et menaces contre les journalistes qui documentent leurs liens étroits avec l’extrême droite, pour l’occasion celleux-ci n’ont pas hésité à se draper d’une soudaine inquiétude quant aux atteintes à la presse. Les uniformes présent·e·s en nombre n’en seront pas plus ouvert·e·s à leurs contradictions, une altercation éclatant lorsqu’un participant s’est détaché du groupe. « Il voulait juste passer pour récupérer son vélo, mais ça a dégénéré. Lorsqu’il a été plaqué au sol, les flics lui ont fracassé la main » nous rapportent trois témoins, accueillant l’ambulance dépêchée sur place.

Pour toutes et tous, un constat commun s’impose sur la liberté d’expression. D’abord écarté puis réinvité par la municipalité, Raphaël Enthoven dénonçait sur les plateaux-télés la « censure » dont il prétendait faire l’objet. Il a donc pu intervenir à sa guise, au contraire des voix qui le décrient. « Si nous voyons cela comme un devoir élémentaire, il devient compliqué de dénoncer les horreurs qui se déroulent au Proche-Orient. Dans la capitale comtoise, nos campagnes de collages se voient systématiquement dégradées, alors que la répression sur le terrain est chaque jour plus féroce, on l’a vérifié encore aujourd’hui. C’est un phénomène qui suit une société basculant vers l’aseptisation et l’autoritarisme, mais il faut justement lutter contre cela et ne pas lâcher » analyse un historique de « l’AFPS ».
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Au pied de la tour bastionnée de Bregille, un cordon policier a interdit tout passage aux militant·e·s pour la cause palestinienne.


Illustration d’en-tête : Aperçu des militant·e·s « Association France-Palestine Solidarité » (AFPS), durant une action de sensibilisation avenue Arthur Gaulard. La restitution non-floutée de cette scène a été expressément demandée et autorisée, concernant quatre intéressés.