Réinsertion, un parcours difficile

Pour cette chronique du Lobby, un lecteur nous a fait parvenir son analyse de la réinsertion. Ayant été confronté à la situation, ses paroles se veulent un appel à la considération en particulier des mineur·e·s.
« J’ai été dans un foyer éducatif, inquiété pour avoir approvisionné des dealers de mon quartier en sandwichs. À Besançon, dans certains secteurs, ça fait partie du panorama, encore aujourd’hui. Forcément, même tout petit, on s’imprègne de cet environnement, qui devient banal. On s’en accommode, on fait avec, parfois on bascule. Si la sentence a été dure, je veux surtout parler de mon expérience pour évoquer les cadres certes difficiles mais qui m’ont permis d’en tirer des leçons positives. Mon cas n’est pas forcément représentatif de l’opinion de celleux passé·e·s par les mêmes réalités, mais je voulais néanmoins livrer ce récit pour apporter à la réflexion.
Placé·e·s dans ce centre de la région, nous étions astreints à des tâches qui rythmaient le quotidien. Il fallait ainsi s’occuper de la buanderie, cuisiner à tour de rôle, entretenir les parties communes… Il y avait des chevaux à l’époque, on devait aussi aider à prendre soin d’eux, les alimenter, nettoyer chaque matin leur box. Leur présence était déjà apaisante, mais les animaux participaient à des tournois de joute équestre médiévale à l’extérieur. Cela permettait de rencontrer diverses personnes et de s’employer utilement dans un projet, démontrant en même temps que même si des jeunes difficultés familiales ou judiciaires pouvaient faire des choses bien.
Confronter les points de vue, discuter avec les gens, faire tomber les barrières, c’était aussi l’objectif. On a pu fabriquer des choses de nos mains, comme des armures, boucliers, épées, etc., nous initiant aux travaux manuels. Souvent, des sorties étaient organisées, y compris des voyages initiatiques, en Allemagne, Luxembourg, Italie, Grèce, Corse… Ça nous permettait de découvrir d’autres cultures, de renforcer les liens du groupe, mais aussi, c’est important surtout à cet âge, d’avoir un autre horizon et de se forger de bons souvenirs. Par ricochet, on a appris à se responsabiliser, gagner confiance en soi, comprendre et respecter les limites fixées.
Ces aspects là de la réinsertion, ils ont été précieux. Cela m’a permis de mettre une distance plus forte avec la délinquance, qui n’apportaient que galères et anxiétés. Là, je pouvais de nouveau croire qu’il était possible de s’investir dans des choses simples mais heureuses, comme passer du temps avec mes proches, avoir des passions, peut-être faire le tour du monde. Mais il a fallu casser mes fréquentations, mes habitudes, jusqu’à mon vocabulaire. Tout cela a pris beaucoup de temps, ça n’a pas été simple de tout remettre en question et surtout d’appliquer un changement. Pas par ce que l’administration le demandait, mais car je voulais retrouver une place.
Il faut comprendre que certaines personnes peuvent changer plus vite que d’autres, c’est bien aussi pour ça qu’il faut adapter la pédagogie ainsi que les sanctions en fonction de l’enfant ou de l’adulte. L’incarcération doit rester l’exception, beaucoup oublient que les détenu·e·s ressortent un jour et qu’il faut alors trouver une réponse adaptée pour qu’ielle retourne en société. La privation de liberté est déjà une sanction en soit, dans ces phases là il faudrait donc miser au maximum sur la formation, l’emploi dans des conditions dignes, l’indemnisation des victimes le cas échéant. Garder l’espoir et préserver les liens familiaux, c’est aussi déterminent !
Mais cette prise de conscience ce sont surtout des moyens qui manquent, pendant que les discours simplistes et démagogiques pullulent… Ce n’est pas glamour en ce moment, mais je le dis : investir sur les jeunes en difficulté, c’est éviter de les retrouver mal plus tard. La thématique judiciaire seule est limitée, car derrière il y a des données financières, éducatives, psychologiques. La délinquance, c’est d’abord le fruit des inégalités économiques et sociales. Les « petit·e·s criminel·le·s », comme je fus, ne le sont pas par vocation, ou pour faire du mal à autrui, mais par volonté de se tirer vers le haut, même si cela conduit, sans le voir tout de suite, au pire ».
Illustration d’en-tête : Une œuvre d’« Icy and Sot » réalisée dans le cadre du dixième festival « Bien Urbain » et installée de manière éphémère au fort Beauregard. Les deux frères, au travers de leurs œuvres, travaillent sur des problématiques liées au changement climatique, à la crise des réfugiés et aux problèmes politiques. Antoine Mermet/HansLucas.