Vue du procès Cordier-Fousseret

Parvis du tribunal judiciaire de Besançon

« Je suis un homme d’honneur » n’aura cessé de répéter Jean-Louis Fousseret, ancien maire de Besançon, lors de son procès qui s’est tenu hier, mercredi 1er octobre 2025. Une phrase martelée mais qui n’aura pas convaincu, vu les peines de prison avec sursis, amendes et peine d’inéligibilité requises par le procureur à son encontre et celle de son ex-collaboratrice, Alexandra Cordier. Le jugement sera rendu mercredi 5 novembre.

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Cinq chefs d’inculpation pour deux prévenu·e·s et de l’argent, beaucoup d’argent

Dans une salle à moitié remplie par des soutiens, actuels ou anciens, des journalistes et quelques curieux, l’audience débute quelques minutes après l’heure prévue, le temps de rendre un jugement et de reporter un autre procès. Elle ne se terminera que tard dans la nuit et aboutira, après près de neuf heures de débats, à une mise en délibéré et un jugement rendu le 5 novembre 2025.

Le juge présente l’affaire et énonce les poursuites : Jean-Louis Fousseret est jugé pour prise illégale d’intérêts par un élu et détournement de fonds publics par dépositaire de l’autorité publique. Alexandra Cordier, quant à elle, cumule trois inculpations : recel de détournement de fonds publics, fausses déclarations pour obtenir une prestation d’un organisme de protection sociale et exécution d’un travail dissimulé.

Les faits remontent à 2019 pour ce qui est des détournements de fonds publics, dans le contexte d’une élection municipale à venir, à laquelle Alexandra Cordier s’était portée candidate avec le soutien de Jean-Louis Fousseret. Les fausses déclarations et le travail dissimulé couvrent une période plus longue, entre 2020 et 2022.

Les sommes, déjà connues, créent tout de même à leur annonce quelques réactions dans l’assemblée. Pour le licenciement d’A. Cordier, pas loin de 94 000€ à charge pour la mairie de Besançon, dont plus de 11 000€ d’indemnités de congés payés. À cela, viennent s’ajouter les indemnités de l’aide au retour à l’emploi (ARE), plusieurs dizaines de milliers d’euros, mais aussi 33 000€ de commission pour des ventes immobilières qui constituent le travail dissimulé.

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Une décision contestable et un conflit d’intérêts incontestable

Dans son récit, le juge rappelle la situation passée des deux prévenu·e·s : Jean-Louis Fousseret était maire de Besançon, poste qu’il occupait depuis 2001 et trois mandats, Alexandra Cordier était sa collaboratrice de cabinet. Cette dernière, après s’être vu refuser le soutien de La République En Marche, qui lui avait préféré Éric Alauzet, s’était donc elle-même lancé dans la campagne pour la mairie. C’est à ce titre que son licenciement avait été amené par le maire de l’époque, invoquant « une incompatibilité entre sa position et sa candidature ». Une justification qui ne tient pas, selon la chambre régionale des comptes et le procureur, parce qu’elle ne rentre pas dans les motifs légaux et que la seule obligation légale pour participer à une élection municipale lorsqu’on est salarié·e de la ville, c’est de ne plus être en poste le jour du scrutin avançant la possibilité d’une démission.

À cela, le juge ajoute que les liens qui unissaient le tandem étaient forts, comme cela sera illustré pendant tout le procès, et que « le conflit d’intérêts existe quand même lorsque les choses sont faites dans un cadre légal ». En effet, si la procédure de licenciement n’est pas mise en cause, le fait que l’ancien maire ait fait, seul, l’entretien préalable au licenciement et ait lui-même signé la lettre de licenciement interroge, quand on sait le soutien qu’il a apporté à A. Cordier pendant toute la campagne. Ce soutien est étayé par l’accusation et le procureur qui ajoute au soutien moral et humain, un soutien financier de 14 000€, un chèque fait par J.-L. Fousseret à A. Cordier et sur lequel elle avait refusé de s’exprimer pendant l’enquête.

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La meilleure défense, c’est l’attaque

À la barre pour répondre aux questions du juge, J.-L. Fousseret se présentait comme affaibli du haut de ses 78 ans, articulant mal et souvent accompagné de son avocat pour répondre, chose qui lui a été reproché de nombreuses fois. Quelle ne fut pas la surprise de le voir beaucoup plus droit et beaucoup plus assuré lors des questions de la défense, pendant lesquelles lui et ses avocats n’auront eu de cesse d’insister sur « son honneur », les prétendus conseils donnés par son équipe des ressources humaines, la légalité de la situation et invoquant l’intérêt de la commune, qu’on aurait pu accuser de servir la campagne de A. Cordier si elle avait continué d’en être la salariée. Ironique au regard des sommes évoquées, mais qui ne semble pas émouvoir la défense qui finit aussi par se fendre en attaque contre la chambre régionale des comptes.

Une attaque reprise par la défense de A. Cordier dénonçant un procès politique et invoquant la séparation des pouvoirs, mais aussitôt balayée par le procureur selon qui « la séparation des pouvoirs n’est pas un totem d’immunité que l’on peut utiliser n’importe quand, la chambre a fait son travail et elle l’a bien fait ». La défense continue en exposant la prétendue précarité financière de A. Cordier, qui expliquerait cette nécessité de s’assurer une stabilité pour pouvoir appréhender sereinement la campagne. Un argument aux allures de balle dans le pied mais qui n’empêche pas d’affirmer à sa suite qu’A. Cordier voulait démissionner à la veille du scrutin et que c’est la mairie qui a opté pour le licenciement, rejetant une nouvelle fois la responsabilité sur les services de ressources humaines de la mairie, pourtant interrogés dans l’enquête.

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Un arrangement qui ne fait pas de doute mais un procureur clément

Après avoir entendu toutes les parties, le procureur s’est lancé dans un réquisitoire de près d’une heure et demie, pendant lequel il a démonté, un à un, les arguments de la défense en se basant sur un élément qu’il considérait comme central : « l’intérêt de la collectivité ». Dans son développement, il explique pourquoi toutes les démarches prennent des allures d’arrangement pour soutenir la campagne et la sécurité financière d’A. Cordier et se font au détriment de l’intérêt de la commune. Il relève les incohérences entre les propos de la procédure et ceux exprimés dans le tribunal et relève que « les sommes versées par M. Fousseret, après le licenciement de Mme Cordier permettent d’atteindre la somme des indemnités initialement annoncées dans l’entretien préalable mais revus à la baisse après « une erreur de calcul », ironisant sur l’étrangeté de cette correspondance de chiffres.

Pourtant, après ce long monologue, il est requis seulement 12 mois d’emprisonnement avec sursis, 30 000€ d’amende et deux ans d’inéligibilité contre Alexandra Cordier et 8 mois d’emprisonnement avec sursis, 20 000€ d’amende et un an d’inéligibilité contre Jean-Louis Fousseret, ce à quoi s’ajoutent aussi pour A. Cordier, le remboursement de près de 80 000€ correspondant à l’ARE et les indemnités de licenciement. Seulement cela, alors que les peines encourues peuvent aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 10 ans d’inéligibilité. Une clémence plutôt étrange quand une des conclusions du procureur était aussi de dénoncer « la rupture de confiance entre les citoyens et les institutions publiques, par le biais de leurs représentants » dans une période où les remises en cause de la démocratie sont légion. Quelle sera la décision finale du tribunal ? Réponse le mercredi 5 novembre 2025 à 13h30.


Illustration d’en-tête : Aperçu du palais de justice de Besançon en 2025, où les deux prévenu·e·s étaient jugé·e·s hier – Antoine Mermet/Hans Lucas.