À Besançon, un milieu pro-palestinien toujours rongé par l’extrême droite
 
		À la suite de nos premières révélations le 22 octobre 2024, la presse nationale s’est dernièrement faite l’écho des graves dérives observées au sein du « collectif Palestine de Besançon » à travers le cas de Mustafa Çakici. Si certaines personnalités et organisations ont, enfin, opéré un examen de conscience, l’état-major de ce groupement informel semble toutefois n’avoir pas concédé la moindre remise en question. Ainsi, loin de se concentrer sur le cursus d’un individu, les débats démontrent la réalité de problématiques beaucoup plus systémiques et profondes. Alors que nous indiquions il y a un an que « les illustrations pourraient encore se multiplier », il s’avère en effet que d’autres militant·e·s sont, en toute quiétude, toujours accueilli·e·s à bras ouverts, malgré leurs discours racistes, antisémites, homo/transphobes, islamophobes, ou promouvant des références néonazies. Notre enquête.
.
« Nègres, métèques, youpins… »
Déploiement d’une banderole au slogan « Frexit pour la Paix » repris « des Patriotes » le 1er mai au sein du « collectif Palestine », tentative d’imposer un ami accusé de harcèlement sexuel lors d’un repas libertaire, port d’une gazeuse pendant des rassemblements… Ces derniers mois, Hedi Maksoud s’est illustré dans de multiples mobilisations locales. Sans oublier les dates liées au sort de Gaza, y multipliant les discours, via la sono de « SUD/Solidaires » ou son propre porte-voix, le samedi, toujours auprès du « collectif Palestine », émanation de « Palestine Amitié », ici pour glorifier le criminel de guerre Ismaël Haniyeh, là pour dénoncer un trafic d’organes nécessaires à Israël pour des raisons « culturelles ». Chez les antifascistes, des témoins ont également pointé ses proximités avec l’extrême droite, en 2022-2023, au moment où la « Cocarde Étudiante » et les « Vandal Besak » perpétraient des commandos. Une liste de reproches, bien connue à Besançon.
Pour le premier concerné, de pures calomnies. Fascisant, lui ? Certainement pas. En tout cas pas de manière assumée, quand il faut s’adresser aux révolté·e·s intersectionnel·le·s du vieux-centre. Mais en surfant avec des marges plus intimes, sa langue se débride. Repéré au sein d’un groupe « Telegram », il officie avec des compagnons du secteur, dont Timmy L., son colocataire, qui s’est choisi le pseudo. de « Rimacaque » en référence à Rima Hassan. S’il n’a été ouvert que le 29 mars 2022 et compte dix inscrits, ce canal est un déferlement quotidien ciblant les « nègres », « métèques », « youpins », « gnoules », « pédales »… Totalement à l’aise avec le registre et ses hôtes, Maksoud poste épisodiquement des photographies de lui, comme le 15 janvier 2024 en supermarché, avec une barquette de porc détournant la formule marxiste « Goy de tous les pays unissez-vous » ou le 17 mai dernier, en terrasse du quai Vauban, tenant le journal antisémite « Rivarol ».
Exemples de photographies d’Hedi Maksoud, dans sa vie quotidienne et militante :
.
« Anne Vignot, on foutra le feu chez toi »
Toujours sur 2025, le jeune homme ne s’arrête pas là, trouvant « dommage qu’il n’y avait pas plus de juifs dans le four » le 10 février, se plaignant que « YouTube pense que je suis un bouègre » car lui envoyant « des pubs avec des femmes voilées en décolleté » le 2 mai, jusqu’à la réaction aux difficultés d’un enfant en questionnant la « couleur du bébé » pour achever sur un smiley [étron] et [singe] le 2 juillet. Les conversations prennent aussi des méandres plus personnels et directs, comme le 20 juin, où il lance « je suis à un meeting EÉLV, distrayez-moi avec des trucs racistes ». Précisant être à côté de la maire, les réponses haineuses vont alors cibler l’édile : « Anne Vignot, regarde mon message : tu es une sale pute et on va te ligoter à un de tes feux rouges jusqu’à ce que tu en crèves ! » puis « je sais que tu me lis sur l’écran d’Hedi. Quand je serai Gauleiter de Besançon, on foutra le feu chez toi ». Loin de le freiner, l’initiateur de ces échanges ajoute un [rire] et une [flamme].
D’une délibération sur les airs « youtrement suspects » de l’officier SS Heinrich Himmler, à la proposition d’acheter un sceau frappé de la croix gammée, en passant par la mise en scène d’un exemplaire du Coran souillé d’une tranche de lard, la cellule s’est ainsi répandue en milliers de publications nauséabondes depuis maintenant trois ans. Mais entre le quartier de Planoise où vivent la plupart des protagonistes et les retrouvailles au « bar de la Poste » dans la Boucle, érigé en quartier général, la transposition au réel est aussi palpable. D’abord pour se coordonner à l’occasion de mouvements sociaux bénéficiant de leurs faveurs, Hedi Maksoud et Timmy L. alléguant ainsi leur concours régulier aux défilés du « collectif Palestine » à Besançon ; ainsi que Alexandre V. alias « jurassien déter » qui fut très impliqué en 2023-2024, relatant y avoir crié un slogan sur les « judéoserviles » ou soulignant le fait qu’il y ait « beaucoup de voilées là-bas ».
Exemples de propos d’Hedi Maksoud, sur les douze derniers mois :
Exemples de publications de la cellule, concernant sa participation au « collectif Palestine » :
Exemples de publications de la cellule, relevant ses idées et paroles haineuses :
Juste des mots ?
Mais lorsque les circonstances leur déplaisent, les filtres tombent davantage : doxing et propagation de rumeurs contre un journaliste, apparition à des prides pour « troll[er] des pédés », port d’armes blanches en toutes sorties, regret que les identitaires « n’appellent même pas à la violence », désir de « foutre une centaine de coups de couteau à la gorge de [X] ». Une formulation qui inquiète, mais ne se limitant pas aux incantations. Aux traîtres du « Parti Socialiste » qu’il côtoie en plein jour, Hedi Maksoud est ainsi passé aux attaques de nuit : les dégradations du 19 juillet 2024, il se targue d’en être l’auteur. Un aveu stupéfiant, marquant agressivité concrète et sentiment d’impunité. Avec 105 000 pièces, l’exploitation du fil débute, alors que des plaintes pénales ont été annoncées. Fallait-il, cependant, que cette énième charge ne tombe, pour que soit interrogée la place de cet individu au sein du monde contestataire dans lequel il impose sa présence ?
« Je suis dans plein d’associations de gauche » pérorait avec autorité Maksoud cet été, ayant multiplié les affiliations : « Nouveau Front Populaire », « Mouvement de la Paix », « CNL », « ATTAC », jusqu’au meeting « LFI » du 23 octobre, où nous avions constaté qu’il avait été chaleureusement reçu par l’équipe de « Palestine Amitié ». Il a aussi appuyé l’émergence d’une section comtoise « d’Urgence Palestine », sans surprise cette fois, tant la vénération d’Houria Bouteldja, l’adhésion au « philosémitisme d’État » et l’harmonie avec le « collectif Palestine » y sont légion ; preuve de leurs liens étroits, la page « Instagram » « 10 septembre Besançon », tenue par un partisan, lancera, avec la formation, un soutien à ce « camarade » à la rentrée. Un horizon donc détendu pour ce mercenaire, quitte à évoquer, toujours sur « Telegram », les réunions du « collectif Palestine », comme celle du 27 janvier 2025, stipulant y aller pour défendre le négationniste Vincent Reynouard.
Menaces de mort ciblées, attaque revendiquée des locaux du « Parti Socialiste », défense du négationniste Vincent Reynouard…
.
Dans la nébuleuse du « collectif Palestine », bien d’autres passifs
En reprenant les autres comparses équivoques qui tournent autour de la nébuleuse, fréristes et complotistes ne manquent pas, ainsi que le souligne l’écrivain Mustapha Kharmoudi ce 18 octobre. Mais c’est la prose d’une militante déterminée que nous analyserons, tant celle-ci est en phase avec la première partie de cet article. L’intéressée se nomme A., se décrivant comme une musulmane pieuse. Ce qui ne va pas l’empêcher d’enchaîner les diatribes, avec des concepts qui n’ont souvent rien à envier aux précédents. Le 21 octobre 2023, elle résume ainsi l’étendue de sa pensée sur « Facebook » : « Je crois finalement qu’une bonne troisième guerre mondiale ça va faire du bien à la planète ! Une bonne purge pour toute la crasse wokiste, lgbtqia+ sodomite, féministe, athée, sioniste, franc-mac, humaniste, mondialiste, progressiste, sataniste et j’en passe ! Qu’Allah vous pulvérise et vous anéhentisse, vous et vos idéologies mortiféres décadentes dégénérées perverses » (sic).
Une réflexion qui s’inscrit dans un flot analogue, entre incitation à voter Marine le Pen le 12 avril 2022, relai du néonazi Yvan Benedetti le 28 novembre 2023, exaltation de la théorie du « grand remplacement » le 10 avril 2024, note « plus le temps passe et plus je valide les thèses racialistes… » le 17 septembre 2024, ou encore, diffusion d’une interview de Mustafa Çakici le 14 octobre 2025 avec ce commentaire : « C’est l’ancien président d’une association de ma ville dont j’ai fais partie plusieurs années ». S’agirait-il de l’antenne du « Millî Görüş », congrégation rigoriste fondée et dirigée par celui-ci depuis le 17 mars 2014 ? Impossible de le savoir, autant que ses fonctions dans le support à Gaza. Mais, ce qui est acquis, c’est sa relation dans ce petit milieu restreint, communiquant en ce sens sur ses mêmes réseaux sociaux, comme le 19 mars 2025, où elle diffuse un visuel dont l’en-tête indique qu’il est destiné « aux adhérents et sympathisants de Palestine Amitié ».
Exemples de publications de A., de fin 2021 à ces derniers jours :
.
 Chez Çakici, des excuses tardives et laborieuses
Acculé par un scandale né en août 2024, Mustafa Çakici reste aussi un responsable du « collectif Palestine », lequel lui a réitéré son soutien plein et entier, malgré les désaveux, allant de « BDS France », à « Waves of Freedom », jusqu’à « l’UJFP ». Mais, devant le tollé, son attitude a changé, tranchant d’abord qu’il assumait tout, pour ensuite agiter le spectre d’une kabbale islamophobe et anti-turque, à travers un média pro-Erdoğan, avant de se confondre en regrets, via un communiqué paru le 24 octobre. « […] Je reconnais avoir publié, par le passé, certains contenus sur les réseaux sociaux qui étaient imprudents et susceptibles d’être mal interprétés. […] Je tiens à souligner avec force que je n’ai jamais été membre d’aucune association antisémite, homophobe ou liée à quelque forme de discrimination que ce soit. […] Je présente mes excuses les plus sincères à toutes celles et ceux qui ont pu être blessés par ces publications […] » écrit-il. Mea-culpa, ou numéro de com’ ?
Selon ce récit, concluant à « l’unité » face aux « divisions », inspiré d’une circulaire du « collectif Palestine » du 14 janvier 2025, l’histoire doit se résumer en un excès de naïveté couplé à une subtilité de lecture. Ainsi, lorsque Çakici a déversé, publiquement, pendant dix ans, des insanités de type « le lobby Juif contrôle la France » ou « LGBTP(édophile) », un dernier parallèle réaffirmé à « Mediapart », tout ne serait que méprise. Quant à ses adhésions, il faudrait donc oublier le rôle de « Millî Görüş » à Besançon, qui, en 2015-2016, menait les raids contre l’autodétermination kurde ; ses conférences avec Hani Ramadan, épinglé pour des prêches incendiaires depuis 2002, interdit du territoire français en 2017 ; ses liens avec Farida Belghoul, l’appelant toujours « mon frère » en 2019, dont le groupuscule s’en est pris à des enseignant·e·s ; ou ses propos dans la mail-liste du « collectif Palestine » mi-2024, récusant les massacres d’octobre 2023 et louant le « Hamas ».
Autodétermination kurde, invitation d’Hani Ramadan, proximités avec Farida Belghoul :
Une charte plutôt que des actes
Entre l’explosion médiatique relative à Mustafa Çakici et la parution de ce dossier, bien d’autres profils « radicaux » n’auront pas de difficultés à rejoindre les rendez-vous des 18 et 25 octobre. Sur le pavé, on retrouvait ainsi, entre autres, Hedi Maksoud, muni d’un mégaphone, au cursus évoqué ci-avant ; Abderrahmane X, au micro, adepte de « l’humour » de Jacques Médecin ; ou Khaled Ben M’Barek, en tête de cortège, bien qu’ayant oscillé entre promotion d’une figure de « Égalité et Réconciliation » sur la mail-liste du « collectif Palestine », port de l’étoile jaune et doléances pour les activistes de « Némésis » sur le web, mais aussi tracas judiciaires avec une composition pénale au motif de brutalités conjugales, une condamnation définitive en « diffamation », ainsi que l’attente d’une décision d’appel quant à des « injures antisémites ». Mais tous figureront, de manière prépondérante, auprès de lieutenant·e·s d’organisations syndicales, politiques ou associatives.
À propos de Ben M’Barek, le « collectif Palestine » n’avait pourtant pas ménagé ses efforts pour essayer de préserver, un temps du moins, une prétendue distance. Dans un courrier du 10 juillet, sa direction soulevait les « élucubrations d’un individu incontrôlable ayant éventuellement un vague rapport avec le collectif » estimant que « en tenant les propos qui lui sont reprochés, il s’est mis lui-même en dehors du collectif puisque ses écrits sur internet contreviennent manifestement à la charte ». Un règlement interne, rédigé à la va-vite en vue d’éteindre la crise d’octobre 2024, énonçant, à destination des participant·e·s censé·e·s l’avoir ratifié, s’élever contre « toutes les formes de discrimination, en particulier le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie, et toutes les autres formes d’exclusion visant des groupes sociaux, culturels, religieux, ethniques ou de genre ». Pour que ces beaux principes s’évanouissent à nouveau, il n’aura donc fallu que trois petits mois.
@saytv_ #Besançon , 18/10/2025: manifestation hebdomadaire en soutien au peuple #palestine ♬ son original – SayTV 
Lors de la manifestation hebdomadaire du 18 octobre 2025,
le « collectif Palestine » renouera avec nombre de profils sulfureux.
Au lancement de la vidéo, en arrière-plan, on aperçoit ainsi,
notamment, Hedi Maksoud et Khaled Ben M’Barek.
Juste avant le départ, des tensions éclateront à ce sujet.
.
Khaled Ben M’Barek, engagements et dérapages :
Boîte noire
Questionné mercredi 22 octobre par courrier électronique en vue d’une publication ce jour, Hedi Maksoud nous a répondu le lundi suivant qu’il était prêt à donner une suite favorable ; mais, relancé dans la foulée, il n’a, depuis, plus donné signe de vie. Concernant A. via son compte « Facebook », elle confirme qu’elle « regarde et écoute tout le monde… que cela soit des musulmans, des « complotistes », des islamophobes, des néonazis, des politiciens, des coachs de vie divers, influenceurs ect » (lire son retour complet). Pour ce qui est du « collectif Palestine » de Besançon, c’est la présidente de « Palestine Amitié », Françoise Piaget, qui nous a adressé ces précisions : « Hedi [Maksoud] n’est pas au collectif, nous avons été plusieurs à désavouer cette banderole [Frexit] publiquement […] Khaled [Ben M’Barek] s’est mis en dehors du collectif. Le collectif n’a ni approuvé, ni encouragé les échanges avec Toufik-de-Planoise (cf courrier du 10 juillet) ».
Avant de conclure en renvoyant aux manifestations, conférences, films, assurant « avoir réussi de très belles choses ensemble » (lire son retour complet). Mais sans jamais expliquer comment des individus si « infréquentables » se retrouvent encore dans les réunions et cortèges du « collectif Palestine ». Quant aux autres composantes du « collectif Palestine » de Besançon, aucun·e signataire n’a jugé utile de s’exprimer spontanément sur la situation, que ce soit « la France Insoumise », « les Écologistes », la « Ligue des Droits de l’Homme », la « Fédération Syndicale Unitaire », « Génération·s », ou « Ensemble ! ». Ailleurs, les choses évoluent quand même… Via un mail du 24 octobre 2025, la section « ATTAC » de Besançon nous informe ainsi que « certains membres du CA ont décidé de ne plus se réunir en présence de Hedi M[aksoud] et d’organiser nos actions sans lui à cause de ses excès et de ses dérives répétées au moins depuis une année ».
Nadwo et Toufik-de-Planoise.
Illustration d’en-tête : Aperçu d’une manifestation du « collectif Palestine » de Besançon, le 20 janvier 2024 dans le centre-ville. Au milieu du cortège, derrière la banderole, tenant le micro, Khaled Ben M’Barek ; à ses côtés, sur sa droite, Abderrahmane X et Mustafa Çakici.




























































