Chez Ludovic Fagaut, la presse indépendante interdite d’accès

S’il dit vouloir rendre à Besançon sa liberté en remportant les prochaines élections municipales, le candidat « les Républicains » Ludovic Fagaut se révèle bien moins vertueux quand il s’agit de simplement respecter les droits élémentaires de la presse. Alors que son équipe de campagne organisait un meeting, ce mardi à 19h00 au petit kursaal, le journaliste du média « le Ch’ni », venu couvrir la soirée, en a été soudainement expulsé. Une censure pure et simple de paraître, à un évènement politique et électoral public, afin d’en empêcher toute retranscription souveraine, au motif que le principal intéressé serait furieux des derniers articles qui lui ont été dédiés. Rejoignant l’extrême droite dans ses méthodes autocratiques, le camp conservateur illustre ainsi ses tentations de réprimer, avant même une éventuelle conquête du pouvoir, les voix indépendantes.

Il est 18h50 lorsque notre correspondant arrive place du Théâtre. Après un contrôle de son sac contenant appareil photo et carte professionnelle, il gagne l’étage inférieur pour rejoindre le rendez-vous prévu. Plusieurs bénévoles lui tendent des goodies, comme un badge jaunâtre « Go – Ludovic Fagaut » et un formulaire pour rejoindre son « comité de soutien ». Mais rapidement, certains visages souriants virent à la stupeur, un cadre peinant même à masquer un réel effroi, avant de disparaître pour alerter sa hiérarchie. Tranquillement installé au milieu des strapontins et muni d’un calepin pour prendre des notes, la conversation s’engage alors avec les voisin·e·s, quant à leurs engagements, leurs attentes, leurs craintes… Comme bien d’autres personnes dans la salle, il s’agit surtout de retraité·e·s et de senior·e·s. L’affluence monte, alors que l’introduction n’a pas encore débuté.

Avant même le lancement du meeting de Ludovic Fagaut, le journaliste Toufik-de-Planoise pour « le Ch’ni » (debout à droite, casquette blanche) était expulsé par un agent de sécurité privée (debout derrière celui-ci, casquette noire) – capture d’écran vidéo amateur.


Mais à peine le temps d’aborder les choses, qu’un agent de sécurité est dépêché. « Monsieur, il faut partir » ; « Ah, pourquoi ? » ; « Vous n’êtes pas invité, c’est ce qu’on m’a dit » ; « Pas invité, ou pas le bienvenu ? » ; « En vérité vous n’êtes pas le bienvenu, on a consigne de vous expulser. Les responsables vous connaissent, c’est clair qu’ils n’aiment pas du tout ce que vous écrivez ». Suivant l’uniforme à l’extérieur, une responsable est sollicitée au débotté. « Peut-on me dire ce qu’il se passe ? » ; « Vous n’êtes pas inscrit ni invité, or c’était une obligation » ; « Pourtant, le communiqué sorti dans divers organes ne mentionne rien à ce sujet… » ; « C’est une erreur de leur part ! » ; « Ah. Et, là, au milieu de centaines de personnes, vous parvenez à déceler ça chez moi, direct ? » ; « On a un staff efficace » ; « Vous virez donc un journaliste, arbitrairement ? » ; « Il y a déjà l’Est Républicain, ça nous va très bien ».

Une scène en partie enregistrée par une spectatrice, venue avec des proches, qui attestent aussi que le prétexte donné est fallacieux : « Mes connaissances et moi, on ne nous a jamais demandé le moindre justificatif. Ni à personne d’autre, en fait ». Comme le « Rassemblement National » juste avant elle, la liste « Ensemble, Besançon Avance » multiplie ainsi les mesures de rétorsion envers quiconque aurait le tort de ne pas suffisamment la chouchouter. Après un premier article le 30 septembre sur son double langage social à Battant puis un second le 1er novembre relevant ses proximités avec un homme condamné pour violences conjugales, « le Ch’ni » se retrouve donc banni pour délit d’opinion. Une vision singulière de la démocratie, à l’opposé des mots « dialogue », « concertation » ou « respect » que Ludovic Fagaut livre désormais à qui veut-l’entendre – et surtout le croire.


Illustration d’en-tête : Aperçu du meeting de Ludovic Fagaut pour les municipales de Besançon, le 4 novembre 2025 au petit kursaal – photographie amateur.