Besançon-Viotte, épicentre de la colère agricole

Encore sous le choc après le grave précédent du 2 décembre, le monde paysan local s’est donné rendez-vous sur Besançon-Viotte ce mercredi midi. L’occasion de se retrouver, de faire le point, mais aussi de dénoncer, inlassablement, les mesures sanitaires relatives à la crise de « Dermatose Nodulaire Contagieuse » (DNC). « Les bêtes massacrées et la répression policière, on ne l’accepte pas ! On refuse les abattages systématiques et massifs de troupeaux, on exhorte à ce que les éleveurs/éleveuses soient respecté·e·s et associé·e·s, on demande un élargissement clair de la vaccination » résumaient, notamment, Nicolas Bongay, pour la « Coordination Rurale » Doubs, ainsi que Laurence Lyonnais, de la « Confédération Paysanne » Bourgogne/Franche-Comté.

Les noms des quatre-vingt-trois vaches abattues il y a quelques jours dans le Doubs furent ensuite longuement égrainés, chaque citation faisant plonger au sol un·e participant·e, revêtu·e d’une blouse vétérinaire, afin de figurer l’hécatombe qui a frappé la ferme. « On comprend que ça soit compliqué de savoir comment réagir, même pour l’État. Mais dès lors que la maladie n’est pas transmissible à l’humain, je pense que le principe de précaution ne devrait pas valoir la peine de mort automatique et collective. Les alternatives avancées par les différentes centrales, j’y souscris donc. Prendre le temps, évaluer les risques, tenter des options raisonnables, pour nous, notre cheptel, c’est vital » analyse un héberger, venu de Vesoul, où se tenait aussi une mobilisation à 10h00.

Entre la trentaine de tracteurs posés sur le bas-côté, les stands proposant des produits du terroir, ainsi que les multiples banderoles égratignant la ministre de l’agriculture Annie Genevard, les mêmes craintes se sont répétées. Sous l’égide d’un déploiement sécuritaire hors-norme, ce sont près de trois cents personnes qui ont répondu à l’appel. Professionnel·le·s, proches, soutiens, à l’instar de Daniel, retraité de la fonction publique, qui tenait à « exprimer sa solidarité », ou de Manon Meunier, parlementaire « LFI », de Haute-Vienne. Une synergie rassurante pour les plus enthousiastes, malgré une entrevue peu fructueuse avec la « Direction Départementale des Territoires » (DDT) qui marquait la fin du rassemblement en milieu d’après-midi.

 

Syndicalisme et politique, d’autres champs majeurs
Chez les paysan·ne·s comtois·e·s comme dans le reste de la France, trois organisations forment des références incontournables de la profession : Le binôme « Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles » (FNSEA) et « Jeunes Agriculteurs » (JA) de droite libérale (55-60% de représentativité), la « Coordination Rurale » (CR) dans un souverainisme penchant à l’extrême droite (20-25%) et la « Confédération Paysanne » (CP) de tendance gauche altermondialiste (15-20%). Proche d’Annie Genevard, le tandem majoritaire est absent de ce mouvement de grogne… Laissant les deux autres antagonistes en fers de lance, dans une convergence pour l’instant unitaire. Mais de ces adhésions partisanes, découle une vision du monde parfois tranchée.

Exemple avec la famille Lhomme de Pouilley-Français, qui n’a jamais caché ses attaches avec le « Rassemblement National » dont la députée Géraldine Grangier, désormais très investie dans ce dossier. Jusqu’alors encarté·e·s nulle part, la plupart de ses membres envisageraient d’ailleurs de rejoindre la « CR ». Sur place, ce mercredi, aussi, bien des signes ne trompaient pas, d’un participant arborant les couleurs de cette structure expliquant que « Jordan Bardella est un franc-maçon encore trop à la botte de Bruxelles », à une manifestante exhibant un panneau « Frexit » affublé de la croix de Lorraine. Un terrain cependant loin d’être totalement acquis à une seule frange, militant·e·s libertaires, insoumis·e·s ou trotskistes ayant aussi fait le déplacement.


Illustration d
‘en-tête : Aperçu de tracteurs, arborant des pancartes « stop à la dictature – non à la pensée unique » et « Annie rentre à la maison on a des papiers à signer – paysans tous unis ».