Dans un silence assourdissant, le département ferme un service « MNA »
Hier soir à Besançon, une marche était organisée pour la « journée internationale des migrant·e·s ». Comme le 20 novembre dernier, un arrêt était notamment organisé devant la « direction territoriale des solidarités humaines » quant au sort spécifique des « mineur·e·s non-accompagné·e·s » (MNA). Or, le département a pris la décision de fermer un de ses services, le « Pôle d’Accueil et d’Orientation » (PAO), issue largement méconnue y compris des associations mobilisées. Un·e salarié·e, qui a vu, comme ses collègues, son poste supprimé et disparaître définitivement dans les prochains jours, a tenu à livrer son témoignage au média « le Ch’ni » pour alerter de la situation.
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« Comme les autres structures du même genre, notre service avait comme objectif d’assurer l’autonomie et l’accompagnement des projets des primo-arrivant·e·s MNA. Mais il était le seul à gérer leur accueil, par ailleurs avec un gros focus santé, psy et réassurance. Progressivement, il est devenu un point d’étape, le temps de faire un bilan de santé et d’entamer quelques démarches… Quand on pouvait, parce que l’administration s’est rapidement mise à répartir les jeunes ailleurs. Mais ça n’a jamais été officialisé.
Mais, après un an de discussions avec le département, qui certifiait le maintien de l’existence de celui-ci, cette branche fermera finalement ses portes, au 31 décembre 2025. Cette annonce n’a été faite aux travailleurs sociaux/travailleuses sociales que le 18 novembre, soit un peu plus d’un mois avant. La décision, pourtant prise depuis la mi-octobre, se veut être un secret de polichinelle.
Quel est le respect pour les travailleurs/travailleuses dans de telles conditions ? Aujourd’hui encore, la situation reste floue quant à leur avenir professionnel, y compris celui de la cheffe de service. Après avoir investi durant six ans cette mission, dans des conditions psychologiquement épuisantes. Une équipe qui a su s’adapter, dans des locaux inadaptés pour des adolescent·e·s : un hôtel. Un hôtel dans lequel a été par exemple, accompagné un·e enfant de moins de quinze ans, en situation de handicap, durant une année. Relevant donc de la protection de l’enfance ; cet·te enfant était-ielle réellement protégé·e dans ces conditions, malgré toute la volonté de l’équipe ?
Sans oublier le cas d’un·e jeune (*) pour lequel bon nombre d’alertes ont été faites par la·e psychologue et l’équipe, pour tenir compte de ses fragilités psychologiques et ses comportements déviants qui mettaient en danger l’intégrité des autres jeunes et la sienne. Le sentiment de solitude et de ne pas être écouté·e, pris·e au sérieux, s’est installée durant un an. Jusqu’au jour où l’irréparable a été commis. Deux vies (celle du/de la « coupable » et celle de la victime) qui garderont des séquelles, par le manque de considération pour les observations et signalements faits par les travailleurs/travailleuses. Y aura-t-il également une enquête, comme il est déjà arrivé dans d’autres endroits, face à un évènement de cette gravité ?
Une équipe marquée, donc. Par le remaniement du planning. Par la suppression inattendue de trois CDD cet été. Par la fin du CDD de la psychologue courant octobre, après six ans de contrat. Par ces évènements traumatiques récents. Qu’on achève en annonçant en plus la fin brutale de leur quotidien et de tout ce qu’ielles ont créé durant six ans. Pour ce qui est des jeunes, ielles seront accompagné·e·s dans une association moins onéreuse pour le département.
Pour les MNA, tout va toujours vite, et cela risque de s’accélérer. À peine arrivé·e·s sur le territoire, environ deux semaines après, lorsqu’ielles seront reconnu·e·s mineur·e·s, ielles iront dans le service adéquat. Et seront mis·e·s en appartement dès que possible (ce qui a donné lieu à des dérives de placements de jeunes de quinze ans). Et ce, dans l’une des trois grandes villes du département (avec Montbéliard et Pontarlier) malgré, parfois, leurs projets ancrés à Besançon. Une suradaptation qu’on s’imagine normale pour elleux, au vu de ce qu’ielles ont déjà traversé.
Il y a dans le sigle « MNA » la notion primordiale de MINORITÉ, qu’il serait bon, je crois, de ne pas oublier, afin de corréler avec le respect des droits de l’enfant. Cela laisse à supposer par beaucoup, depuis plusieurs mois, que l’accompagnement des MNA ferait face à une volonté de restriction budgétaire drastique. Malgré les déclarations du département annonçant la hausse du budget pour la protection de l’enfance, dont les MNA font également partie ».
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(*) Pour des raisons de respect de la dignité humaine et de préservation de la confidentialité, notre interlocutrice ne souhaite et ne peut pas exposer publiquement davantage de détails concernant la nature exacte de cet incident.
Illustration d’en-tête : Mobilisation du secteur social et médicosocial le 2 avril dernier à Besançon, durant laquelle la cour de la « direction territoriale des solidarités humaines » fut brièvement occupée par des manifestant·e·s.
