À la suite d’une enquête parue le 22 octobre sur les complaisances antisémites du « collectif Palestine », « le Ch’ni » a fait l’objet d’une campagne de dénigrement et d’intimidations. Dans ce contexte, l’un des cadres de la mouvance, Khaled Ben M’Barek, avait apostrophé son directeur de la publication. Une saillie particulièrement violente, mêlant accusations d’allégeance au « Mossad » et parallèles nazis au secours de « Némésis ». Comparaissant ce 20 juin, le mis en cause a été relaxé du chef « d’injures aggravées » ; il a, en revanche, été reconnu coupable de « diffamation publique », écopant de 3 000€ d’amende avec sursis, 1 300 euros de dommages et frais de procédure, ainsi qu’à l’obligation de supprimer le texte litigieux sous astreinte.

Note de rédaction : Le présent article retranscrit une affaire dans laquelle le Directeur de la Publication et rédacteur du Ch’ni, Toufik-de-Planoise, est directement concerné. Afin d’être transparent sur l’identité du journaliste indépendant à l’origine de la procédure judiciaire, il paraissait essentiel de préciser ce point.



« L’attitude de la Schutzstaffel et des gardiens de camps »
Sur son compte « Facebook », Khaled Ben M’Barek, un éminent responsable du « collectif Palestine de Besançon », avait notamment qualifié le directeur de la publication « du Ch’ni », Toufik-de-Planoise, de « sayanim sionisant » et « d’assassin, SS, capo du camp » pour avoir arraché les affiches du groupuscule fémonationaliste « Némésis ». Après des mois d’attaques et de harcèlement, cette invective du 1er novembre 2024 était celle de trop. Deux procédures sont alors intentées, pour « injures publiques aggravées » et « diffamation publique envers un particulier ». L’audience s’est tenue le 20 juin 2025 au TGI de Besançon, en présence des protagonistes, la partie civile représentée par maître Octave Nitkowski, l’accusé ne souhaitant pas être assisté d’un·e avocat·e.

La séance commence avec le visionnage d’une vidéo de quelques minutes, qui fut adjointe à la publication initiale, Khaled Ben M’Barek ayant exhorté à sa lecture par le tribunal. « C’est la prise de Yona Faedda, une des personnes qui a été agressée par mon adversaire. Il était crucial que vous la voyiez, afin qu’on comprenne bien le poids de mes paroles » expliquera-t-il. Interrogé par le président sur le fond, il poursuit : « Je vois de pauvres jeunes filles terrorisées, qui ont l’air mineures. Enfin je ne sais pas, je le les connais pas. Elles collaient des visuels pour Thomas [Perotto], usant de la liberté d’expression pour une noble cause. Il est interpellé d’une voix douce, mais malgré tout, lui se jette pour tout détruire. J’ai listé les différents délits observés, comme le fait de ne pas jeter les détritus à la poubelle ! ».

Lorsqu’un magistrat réagit sur la pertinence du parallèle entre cet incident et les exactions du IIIe Reich, il persiste sur la même ligne sans flancher : « La bestialité dont il a fait preuve lors de cet épisode, oui ça me fait penser à l’attitude de la Schutzstaffel et des gardiens de camps ». Alors que le silence est total dans l’auditoire, l’examen de personnalité du prévenu débute. « Monsieur, il apparaît que vous avez une inscription. Vous faites l’objet d’une composition pénale le 3 novembre 2023 pour des violences conjugales, incluant un stage de citoyenneté ». Khaled Ben M’Barek explose, s’indignant qu’on puisse ainsi évoquer ce passif. « Ça devait être effacé, on me l’avait garanti ! Vous n’avez pas le droit de balancer cet élément en pâture comme ça, c’était une regrettable erreur ».

Croquis de Chav’, dessinateur et chroniqueur pour « le Ch’ni ».

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Étoile jaune, Dieudonné et caricature
Maître Octave Nitkowski enfonce alors le clou, plaidant d’abord sur la diffamation. « Sur votre clip issu de Némésis, il est évident que mon client n’a aucun vocable menaçant ni le moindre contact physique. D’ailleurs, il n’y a même pas de plainte. Les activistes identitaires voulaient placarder leur propagande, très bien. Mais Toufik-de-Planoise, il a, lui aussi, toute latitude pour manifester son désaccord, ici en retirant ces documents. On s’étonne d’ailleurs que vous soyez si troublé par ces images, vu votre mention pour VSS ». Sur l’injure aggravée, le conseil se fait plus insistant. « Vous portez l’étoile jaune je cite contre l’entité sioniste, faites la promotion de Dieudonné, relayez la caricature houthiste d’une hyène coiffée d’une kippa frappée du sceau de Salomon dévorant un enfant ; qu’avez-vous à en dire ? »

« Je n’ai fait que partager, ça n’a rien à voir avec cette affaire. Mais oui, plus que jamais, il faut se dresser contre le génocide en cours » tente le cinquantenaire. « Sur la locution de sayanim, déjà utilisée par vos soins contre Toufik-de-Planoise au sein du collectif Palestine » ? « Ça désigne les personnes qui œuvrent en sous-main pour Israël, mais ça n’est pas discriminant ! Moi, j’ai toujours été antiraciste ». Après ces échanges, maître Nitkowski demande des sanctions. « Les propos sont injurieux et diffamatoires, ils ne cherchent que l’opprobre et le discrédit. Khaled Ben M’Barek est incapable d’expliquer en quoi Toufik-de-Planoise serait sioniste, ce sont des outrages gratuits. Il ne m’appartient pas de porter des réquisitions sur la peine, mais une journée de sensibilisation à l’antisémitisme serait la bienvenue ».

Pour le Procureur de la République, les choses s’avèrent toutefois plus compliquées. « Votre publication est dégoûtante. Dégoûtante, vous m’entendez ? Ces mots sont horribles, surtout pour une personne qui se dit antiraciste. Mais je suggère à la cour d’être prudente, pour entrer en voie de condamnation, il faut que les propos soient réellement diffamatoires. Sur le volet Némésis, la scène ne me choque pas, mais ça me semble léger, on est juste dans un langage un peu fort. Concernant le terme de sayanim, que je découvre, ou sioniste, c’est aussi faible, tout repose sur une définition Wikipédia, un article du Parisien et un précédent de la 17e chambre de Paris. Il aurait fallu poursuivre autrement les passages incriminés, vous apprécierez ». Le verdict a donc été rendu le 4 juillet, selon l’introduction.

Le 13 novembre 2023 sur son compte « Facebook », Khaled Ben M’Barek partageait cette caricature aux relents antisémites réalisée par un dessinateur houthiste. Il s’agit d’une hyène, coiffée d’une kippa elle-même frappée du sceau de Salomon, portant un brassard états-unien, en train de dévorer un bébé. Il y a ajouté le commentaire « aucune représentation graphique artistique n’a jamais si puissamment et véridiquement établi ce qui arrive au peuple martyr palestinien… diffusez sans modération ! » Un élément remonté au « collectif Palestine » via un courrier électronique du 9 septembre 2024, qui s’est retrouvé dans le dossier judiciaire examiné le 20 juin dernier.


Dans le milieu, des soutiens actifs et tacites
Plusieurs figures du « collectif Palestine » étaient présentes à l’audience et au délibéré, venues en solidarité avec Khaled Ben M’Barek. On y retrouvait, à chaque fois, Norbert Nusbaum, se revendiquant désormais de « l’UJFP » et trésorier-adjoint de « SUD/Solidaires », déjà épinglé pour ses minimisations de l’antisémitisme, sa défense de Michel Collon et son compagnonnage auprès de l’extrême droite turque. À ses côtés, un jeune homme, figurant aujourd’hui au sein de la « CNL » et « d’ATTAC », passé, en 2023, par les rangs de « la Cocarde Étudiante » et des « Vandal Besak » et qui, à l’occasion de prises de parole durant les défilés de l’été dernier, déclamait des théories du complot sur de prétendus trafics d’organes ou exhortait « à la destruction d’Israël ».

Un appui conforme à l’organisation, très magnanime à l’égard de tels profils. Ainsi, les dérapages de Khaled Ben M’Barek, évoqués lors du procès, sont connus de longue date par le « collectif Palestine », que ce soit à travers des messages circonstanciels sur la mail-liste, en septembre 2024, ou via l’article publié par « le Ch’ni », le 22 octobre suivant. L’intéressé ne sera toutefois jamais blâmé à ce sujet, ayant seulement été invité, comme chaque membre, à ratifier une « charte » destinée à enterrer les polémiques successives qui entachaient la mécanique. Depuis, sur les réseaux sociaux, les dérapages se sont multipliés : diffusion du site « Investig’Action », justification des propos de Rony Brauman sur Auschwitz, « Hamas » dépeint en « un mouvement de résistance ».

Jusqu’aux ultimes péripéties judiciaires, dont le premier concerné a été avisé le 22 janvier 2025. Un fait qui fut là encore remonté, selon un sympathisant de l’UL-CGT. « J’étais présent à la marche des solidarités, le 22 mars 2025. Place de la Révolution, j’ai entendu quelqu’un, proche d’une banderole sur Gaza, parler singulièrement de la Shoah. Apprenant de qui il s’agissait et qu’il devait être jugé, j’ai envoyé un mail à Françoise Piaget [présidente de « Palestine Amitié », NDLR]. Elle m’a dit de venir en discuter, rien de plus. J’avais beau expliquer que je ne trouvais pas ça normal, j’ai l’impression qu’elle s’en fichait ». Une énième alerte qui, en tout cas, n’a pas bouleversé d’un iota la place du meneur, bien visible, jusqu’au mois de juin, aux réunions internes et en tête de cortège.

Avertissement

Le présent compte-rendu retranscrivant l’audience et le délibéré d’une procédure jugée en première instance, les éléments présentés, en particulier la relaxe pour « injures publiques aggravées » et la condamnation pour « diffamation publique envers un particulier » ainsi que les peines associées, sont susceptibles d’évoluer au pénal et au civil devant une cour d’appel voire de cassation. Aussi, la décision n’étant donc pas définitive à ce jour, Khaled Ben M’Barek bénéficie pleinement de la présomption d’innocence. Si cette affaire devait connaître une quelconque suite, nous le mentionnerons par une mise à jour.

 

Illustration d’en-tête : Selfie de Khaled Ben M’Barek portant l’étoile jaune frappée de la phrase « I am palestinian », publié le 16 octobre 2023 sur sa page « Facebook » avec en commentaire « […] nous portons l’étoile jaune avec laquelle les nazis ont promis aux Juifs de les anéantir, comme le fait aujourd’hui l’entité sioniste avec le peuple palestinien […] ». Cette publication, comme bien d’autres, connue du « collectif Palestine », a été versée au dossier, se retrouvant au cœur des débats du 20 juin dernier.

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