Le 10 septembre 2025, amorce d’un nouveau mouvement social de masse ? le point à Besançon

 

« Poser le jalon des possibles »

Dans la région comme en Alsace, la synergie a surtout été saisie par des figures « gilets jaunes » et des militant·e·s de gauche. Pour l’instant. Sur Besançon particulièrement, cette organisation semble bien rodée. Aux fils « Telegram » et entrevues informelles, les réunions de préparation s’enchaînent, des derniers bastions du samedi matin aux faubourgs de la vieille-ville, avec parfois plusieurs dizaines de participant·e·s. Dans d’autres préfectures, à l’instar de Belfort, rendez-vous est déjà donné, à 10h00 place Corbis. La ruralité n’est pas davantage épargnée, bien que plus modestement, des groupes y émergeant également, comme dans les environs de Vesoul ou au cœur du Haut-Doubs.

Sur la capitale comtoise, nous avons pris le pouls d’un comité. Un soir de semaine, « après le travail », dans une friche de la cité, « afin de rester discret·e·s », sympathisant·e·s de « Solidaires », activistes antifas, aguerri·e·s de la chasuble, retraité·e·s en colère et contestataires sans étiquettes se sont ainsi retrouvé·e·s, histoire de faire le point. Au-delà du simple boycott de l’économie à laquelle une partie veut se limiter, elleux souhaitent porter la bataille dans la rue. Revendications, communication, modalités pratiques, autant de thématiques qui ont occupé la soirée. Le tout aboutissant à l’annonce d’une première assemblée populaire, le 6 septembre 2025 à 10h00, rond-point de Chalezeule.

Que pèse cette humble avant-garde, va-t-elle réussir à emporter le grand nombre et maintenir une synergie ? « Notre objectif, c’est de poser le jalon des possibles. Nous, à ce stade, on part sur de la conflictualité. La suite, elle appartiendra au mouvement. Personne ne sait ce qu’il en sera, ça peut être un bide total comme le début d’une contestation de masse. Le ras-le-bol est présent, mais ce sentiment ne se transforme pas automatiquement en révolte. Tout dépend si les gens répondent et comment ielles s’approprieront les choses, quelle sera la réaction des autorités, où les centrales se placeront… Ces dernières sont les bienvenues, mais on sera vigilant·e·s à garder le contrôle » expose un protagoniste.

L’hypothétique comme boussole

Trois données déterminantes, effectivement très incertaines. « Les mécontent·e·s, c’est ce flot ininterrompu qui peut jouer le point de bascule. Mais beaucoup sont entre résignation et luttes de chapelles, il faut donc arriver à mobiliser tout ce monde sur un front commun, pérenne et déter’ » ajoute un second. Quelques signes, toutefois, ne trompent pas, à l’image d’une salariée du privé, à Planoise, qui entend se mettre en grève : « Je ne suis affiliée nulle part, mais j’étais déjà dans la rue en opposition à la réforme des retraites. Difficile de dire si je m’investirai dans le temps, mais a minima je veux être là le 10 septembre. Ce président des riches qui fait galérer le peuple, on rêve de le voir renversé ».

Concernant les « partenaires », ielles semblent, cette fois, ne pas vouloir rater le coche, après les hésitations et les ratés, il y a sept ans. Si un sommet est prévu le 1er septembre, « Force Ouvrière », des sections « CGT », « SUD-rail », insoumis·e·s, communistes, écologistes, ont, au national, déjà affiché leur soutien. Logiquement, la question agite les pouvoirs publics, en particulier les services du renseignement, sous pression. D’autant qu’aux habituelles manif plan-plan, certain·e·s escomptent aussi frapper de façon plus ciblée, autonome et décentralisée. Plusieurs syndicalistes de la région nous ont ainsi confié avoir été sollicité·e·s par ces huiles, soucieuses de prendre la température.

Après les « bavures » des dernières années, la répression à venir est d’ailleurs presque intégrée. « Lacrymos, tonfa, prison, c’est le prix à payer pour quiconque s’élève contre ce régime. Mais, ici, la plupart son prêt·e·s à l’assumer. Alors on se prépare et on s’entraide pour aussi gérer ce volet, comme on peut » balance, résigné, un historique. Le rôle de l’extrême droite est aussi scruté, des journalistes ayant, un temps, assuré qu’elle était à l’origine de cette fronde, bien que le « Rassemblement National » ne s’y mouille pas. « À Besançon, je ne suis pas inquiet. On connaît cette mouvance, qui, en 2023, était le supplétif des flics. Comme aux gilets jaunes et pass sanitaire, les nazillons n’auront pas leur place ! »


Illustration d’en-tête : Manifestation des « gilets jaunes », le 16 février 2019 à Besançon.