À Besançon, « France 3 » et « l’Est Républicain » offrent une tribune à un activiste épinglé pour ses discours antisémites et LGBT+phobes

Est-il possible d’évoquer la situation humanitaire chaotique au Proche-Orient sans devoir donner la parole à des personnalités d’extrême droite, ou a minima en apportant les précisions d’usage quant à leurs ancrages ? Pour les rédactions de « France 3 » et de « l’Est Républicain », la réponse est clairement non. Les deux titres viennent ainsi de brosser le portrait laudatif d’un patriarche engagé face au génocide en Palestine, oubliant opportunément ses dérapages notamment antisémites et LGBT+phobes, pourtant largement documentés depuis des mois. Si d’autres antennes locales se sont également laissées piéger avant de faire volte-face, la persistance fautive de références médiatiques majeures ne peut qu’interroger.


Une hagiographie livrée clé-en-main

Direction d’une congrégation connue pour son rigorisme, organisation de conférences avec un Hani Ramadan appelant à la lapidation des femmes adultères, adhésion au mouvement d’une Farida Belghoul perpétrant de lourdes menaces contre l’institution éducative, participation à des violences visant les partisan·e·s de l’autodétermination kurde, publication numérique de dizaines de propos incendiaires s’en prenant au « lobby Juif » ou à ces « malades » de LGBT+, négation des massacres d’octobre 2023 et louanges à un « Hamas » érigé en « organisation démocratique » dans une mail-liste collective… Les 30 août 2024, 22 octobre 2024, ou 7 février 2025, « le Ch’ni » documentait avec précision, mais seul, les nombreux dérapages opérés par un certain Mustafa Çakici.

Malgré les remous internes suscités par ces révélations, les menaces de mort essuyées ou les sanctions judiciaires obtenues, la classe médiatique opposera un mutisme complet sur ce climat explosif. Qu’un responsable associatif et politique puisse publiquement proférer des messages de haine dans l’indifférence de quotidiens, pourtant d’habitude si prompts à saisir le moindre fait divers ou à étaler le curriculum vitae de protestataires, en disait déjà long sur les travers de l’époque. Mais, loin de se limiter à une passivité complice, certain·e·s vont désormais jusqu’à promouvoir l’interlocuteur controversé. Sans oublier de falsifier toute une part de sa biographie personnelle et militante, les aspects gênants cités ci-avant étant alors consciencieusement gommés.

Puisant dans un récit et des photographies communiqués à cette fin, « France 3 Bourgogne/Franche-Comté » le 1er septembre puis « l’Est Républicain » le lendemain reprendront la belle trame préparée sans broncher. Exit le quarantenaire aux longues sorties ordurières, pour ne laisser place qu’au « père de famille », « chef d’entreprise », adepte de « valeurs pacifiques ». L’histoire d’un héros ordinaire
se sacrifiant pour voguer avec la « Global Sumud Flotilla », sans aucune petite tache d’ombre au tableau. Manque criant de vérification, ou omission délibérée ? À ces questions éditoriales et déontologiques, nous n’auront aucun retour de ces mastodontes. « Le meilleur moyen de mentir est encore de se taire, le silence trompe aussi son monde » osait l’écrivain Henri Jeanson.

Dans sa version web ou papier, Maxime Courché pour « l’Est Républicain » – propriété du « Crédit Mutuel » – se contentera de bercer dans un récit exclusivement promotionnel. Sans jamais peser, vérifier, recouper, interroger, mettre en perspective le parcours du militant qui compose le cœur de son sujet. Passant donc sous silence une très grande partie de son passif, autrement moins glamour que la jolie carte postale fournie et reprise pour l’occasion.


À « Radio SUD » et « MaCommune.info », un discret mea-culpa

Outre les cinq dossiers mentionnés ou les articles complémentaires revenant sur le contexte comme le 10 juin dernier, les équipes de « l’Est Républicain » et « France 3 Franche-Comté » furent directement avisé·e·s
de cette problématique respectivement dès le 22 octobre 2024 et le 5 juillet 2025. Visiblement, c’est donc en pleine connaissance de cause qu’ielles se sont abstenu·e·s d’en tenir compte ou d’apporter un quelconque regard critique. A fortiori, les deux médias et les journalistes concerné·e·s ont depuis été sollicité·e·s par nos soins, les 2 et 3 septembre via mails et/ou textos, sans qu’aucun·e ne donne signe de vie. À Besançon, en 2025, il apparaît donc normal, pour cette presse, d’offrir une tribune à un activiste accusé de graves dérives et de dissimuler celles-ci.

Mais d’autres organes vont limiter un tant soit peu le naufrage, revirement d’autant plus fort que ces structures modestes se voient souvent méprisées par les « mainstreams ». Si les 15 avril, 13 mai, ou 12 août, les ondes associatives de « radio SUD » avaient ainsi été dédiées au prédicateur litigieux, le 3 septembre, juste après notre contradictoire, toutes traces de celui-ci ont subitement disparues. Néanmoins, pas de quoi renverser le bien-fondé des interventions prévues, ce « correspondant spécial » étant maintenu dans une émission quotidienne. Entre gêne palpable et jusqu’au-boutisme, le président, Kamel Hakkar, trouvera finalement refuge dans le manque de condamnations, sous-entendant que c’est devant un tribunal que le débat devrait être tranché.

Faut-il systématiquement attendre une éventuelle et hypothétique issue pénale, si tant est qu’une procédure existe, pour défendre des principes, valeurs, cadres ? Dès le 3 septembre, « Besançon Métropole » montrait la voie, annulant l’invitation de Raphaël Enthoven à un salon littéraire, suite à ses assertions odieuses. Démonstration qu’il est envisageable d’agir, pour une institution, sans l’aval d’un·e juge. D’ailleurs, le jour-même, auprès de « MaCommune.info » – propriété de la « SMCI », la lecture sera cette fois plus définitive. Le communiqué émanant du « collectif Palestine » se verra caviardé quelques minutes après notre signalement, la bévue étant reconnue et la prise de conscience affirmée. Un « mieux que rien », tant l’indifférence était jusqu’ici la règle.

Illustration d’en-tête : Départ de la « Global Sumud Flotilla », le 31 août 2025 à Barcelone.

Mise à jour du vendredi 5 septembre à 18h05. Si Émilie Barthe pour « France 3 » n’a jamais répondu à nos sollicitations, elle n’a, en revanche, pas perdu les coordonnées de ses contacts du milieu. Ainsi, le jour-même de notre publication, elle n’hésitait pas à donner la parole à Françoise Piaget, présidente de « Palestine Amitié » et responsable de son émanation « collectif Palestine ». Il s’avère que la référente a couvert toutes les dérives de son mouvement, allant jusqu’à qualifier, dans un courrier du 14 janvier, les accusations visant Mustafa Çakici de mensonges, calomnies, diffamations, reliées à un prétendu complot sioniste et islamophobe, ne regrettant, à propos de ses brûlots antisémites et LGBT+phobes, que des « relais sans doute un peu imprudents ».