Bientôt une mode des prénoms francs-comtois ?

Et si vous donniez un prénom franc-comtois à votre futur enfant ? Car oui, il en existe plus de 850 ! S’ils étaient inconnus du grand public jusque là, c’est qu’ils étaient bien cachés dans les nombreux mais très confidentiels textes rédigés en franc-comtois et en arpitan : chansons, poèmes, dictons, contes et légendes, glossaires et dictionnaires. Dès lors, afin de parfaire une volonté de personnalisation et d’affirmation des spécificités régionales, découvrez une liste de 20 prénoms de tout le Pays Comtois et ses frontières, pour fille et garçon !
TOP 10 des prénoms féminins
Airie : certainement le prénom le plus connu en Franche-Comté grâce à « lai Tainte Airie (la Tante Arie), la bonne fée de Noël du Pays de Montbéliard et de l’Ajoie. Forme franc-comtoise d’Henriette. Les Airie sont fêtées le 13 juillet.
Diéphine : prénom recensé à Villars-le-Sec dans le Territoire de Belfort, il renvoie à Delphine en français. Les Diéphine sont fêtées le 26 novembre.
Djeanneli : prénom franc-comtois à influence germanique, il signifie littéralement la « petite Jeanne », la terminaison « li » correspondant au « lein » allemand. Ce prénom est mentionné dans la légende du Pont Sarrazin de Vandoncourt. Les Djeanneli sont fêtées le 30 mai.
Liaudinna : prénom mélodieux à la sonorité arpitane, il est connu dans les environs de Saint-Amour grâce à une chanson traditionnelle bressane. C’est l’équivalent de Claudine. Les Liaudinna sont fêtées le 15 février, et plus spécialement le 6 juin en Franche-Comté.
Mairie : prénom très populaire, il se rencontre dans de nombreux textes rédigés en franc-comtois, notamment les Noëls puisqu’il est le nom donné à la mère de Jésus ; c’est donc l’équivalent de Marie. Présent à Besançon, Vesoul, Montbéliard, Belfort. Les Mairie sont fêtées le 15 août.
Ninia : prénom attesté dans une vieille chanson de Morteau publiée en 1894 par Charles Beauquier. C’est un diminutif du prénom Stéphanie. Les Ninia sont fêtées le 26 décembre.
Phrasie : prénom recensé à Mélisey, il apparaît dans un poème de René Haaz en 1963. C’est un diminutif du prénom Euphrasie, d’origine grecque. Les Phrasie sont fêtées le 24 avril.
Rélie : prénom recensé à Banvillars dans le Territoire de Belfort. Diminutif du prénom français Aurélie. Les Rélie sont fêtées le 15 octobre.
Sôfiate : prénom du Pays de Montbéliard. Diminutif du prénom français Sophie, Sôfiate signifie donc littéralement « petite Sophie ». Les Sôfiate sont fêtées le 25 mai.
Zibé : prénom originaire de Besançon, il apparaît dans un Noël du XVIIIe siècle. C’est l’équivalent bousbot d’Élisabeth. Les Zibé sont fêtées le 17 novembre.
TOP 10 des prénoms masculins
Antouanou : prénom collecté aux Fourgs en 1865 par Joseph Tissot. C’est l’équivalent arpitan du prénom français Antoine. Les Antouanou sont fêté le 17 janvier et le 13 juin.
Boinai : variante franc-comtoise de Bernard. En franc-comtois, l’arc-en-ciel est parfois nommé « coénate de St-Boinai ». Variantes : Boinaie, Boènai, Bouanâ. Les Boinai sont fêtés le 20 août.
Djean-Baiti : prénom composé attesté à Baume-les-Dames en 1864, il apparaît dans une traduction en franc-comtois de l’Évangile selon Saint-Matthieu. Les Djean-Baiti sont fêté le 21 juin.
Djôsèt : équivalent du prénom français Joseph. Ce prénom connaît plus de vingt variantes à travers toute la Franche-Comté, en franc-comtois (Djouset, Djoûeset, Djôset, Djouzi) comme en arpitan (Dzôzè, Dôdet). Les Djôsèt sont fêtés le 19 mars.
Fridri : variante franc-comtoise de Frédéric, prénom d’origine germanique. Au XVIè siècle, avec la diffusion du protestantisme par Frédéric 1er de Wurtemberg, ce prénom a remplacé celui de Jean dans la Principauté de Montbéliard. Prénom aux multiples variantes dans le Nord Franche-Comté : Frideri, Fridot, Fride, Fréry, Ferris. Les Fridri sont fêtées le 18 juillet.
Maitchïn : prénom qui évoque Saint-Martin de Tours, évangélisateur connu pour avoir découpé sa cape afin de la partager avec un mendiant au IVe siècle. Les Maitchïn sont fêtés le 11 novembre.
Metsi : prénom bien connu à Métabief puisque c’est le nom de la mascotte de la station et le nom d’un petit fromage de la fromagerie Sancey-Richard ; c’est l’équivalent arpitan de Michel. Les Metsi sont fêtés le 29 septembre.
Notoire : prénom collecté à Frasne en 1927 par Michel Rousselet. Il est l’équivalent arpitan du prénom Anatoile, ermite chrétien devenu le saint patron de la ville de Salins-les-Bains. Les Notoire sont fêtés le 3 février.
Tchaile : équivalent franc-comtois du prénom Charles, ici dans sa graphie montbéliardaise. Nombreuses variantes en franc-comtois. Les Tchaile sont fêtés le 4 novembre.
Yâdou : forme arpitane du prénom Claude. Prénom typique du Saugeais. Il possède de nombreuses variantes en arpitan (Liaudou, Iaudou) comme en franc-comtois (Iodot, Yâde, Liade, Yadi) par l’importance de la ville de Saint-Claude, baptisée du nom d’un évêque de Besançon qui a vécu au VIIe siècle. Les Yâdou sont fêtés le 15 février, et plus spécialement le 6 juin en Franche-Comté.
Ces 20 prénoms de la comtophonie et de l’arpitanophonie illustrent donc bien la présence de la tradition chrétienne, l’influence des cultures voisines, ainsi que les périodes historiques qui ont marqué la Franche-Comté. Pour nous inspirer, regardons désormais vers d’autres territoires à forte identité, notamment en Corse et en Bretagne.
En 2021, un article de Corse-Matin révélait une vague des prénoms corses : « Ghjulia, Andria, Francescu… L’engouement pour les prénoms à consonance corse s’accentue dans l’île. Si leur succès grandissant traduit un attachement au territoire, ce mouvement s’explique aussi par d’autres phénomènes qui dépassent la simple affirmation identitaire. » L’article précise que 20% des nouveaux-nés dans l’île reçoivent désormais un prénom à consonance corse. Ainsi, en 2024, chez les garçons, Andria arrive juste derrière Gabriel, prénom n°1 en France ; chez les filles, Livia prend la tête devant un autre prénom corse, Ghjulia, reléguant le prénom n°1 en France, Louise, loin derrière.
En 2002, en Bretagne, 14% des nouveaux-nés recevaient un prénom breton. Vingt-deux ans plus tard, en 2024, France 3 Bretagne titre « Maël, Mayeul, Mona ou Bleuenn, les prénoms bretons font de la résistance. », et en effet, c’est finalement le prénom breton Malo qui l’emporte chez les garçons ; cependant, ce n’est pas le cas pour les filles où Louise arrive en première position. Mais avec la particularité d’avoir dépassé les frontières de la Bretagne depuis plusieurs décennies, la grande mode des prénoms bretons, avec ses Gaël, Loïc, Erwan, Gwendoline, Louane, et surtout Maël (9ème prénom le plus donné en France en 2024), continue encore aujourd’hui.
La Franche-Comté ne doit donc pas rester en marge de cette tendance, car plus qu’une mode, c’est avant tout un droit ! Le droit d’exister en tant que peuple dans sa diversité, de se rattacher à la mémoire et aux racines de sa petite patrie, d’être fier d’être original dans ses origines. Bien sûr, des questions légitimes se posent : l’administration acceptera-t-elle un prénom franc-comtois ? Le prénom sera-t-il facile à écrire et à prononcer ? L’enfant subira-t-il des moqueries ? Rassurez-vous, en France, la loi du 8 janvier 1993 offre une grande liberté dans le choix des prénoms donnés à son bébé si les lettres de l’alphabet français sont respectées et que le prénom n’est pas contraire aux intérêts de l’enfant. Cela repose donc avant tout sur un ordre éthique, mais la règlementation française en matière de prénoms semble donc parfaitement favorable à cette mode à venir dans une société franc-comtoise privée de ses institutions régionales et soucieuse de se réapproprier sa culture pour mieux la partager avec le monde entier.
Les prénoms francs-comtois enfin redécouverts, et dans une grande variété de choix, il est certain qu’ils devraient très vite séduire de plus en plus de parents originaires d’ici et d’ailleurs en 2026.