« De l’argent pour les lycées, pour pas finir policier »


Dans la continuité de la journée de mobilisation nationale du 10 septembre, les lycéen.ne.s ont une nouvelle fois porté la voix de la jeunesse et été un des piliers de la mobilisation bisontine. Pourtant, face à elleux, la répression s’intensifie et s’étend à des violences qui, loin de les faire taire, les poussent, toujours plus, à se faire entendre.

Quand l’engagement s’étend

Si, comme la semaine dernière, le Lycée Pasteur, au centre ville de Besançon, était bloqué par ses élèves, cette fois, les lycéen.ne.s de Ledoux se sont aussi joint.e.s à la danse. Dans un contexte plus compliqué et avec un bâtiment comptant plus d’accès, les élèves ont tout de même réussi le pari de restreindre les entrées de leur établissement. Annoncé la veille sur les réseaux sociaux et porté par l’Union Syndicale Lycéenne (USL), cette action aura échappé à l’administration et aux professeur.e.s solidaires du mouvement, trop peu nombreux sur place pour soutenir leurs élèves.

C’est donc de manière autonome, comme leurs camarades de Pasteur, que les lycéen.ne.s se sont organisés et ont monté ce blocage. Rapidement pancartes et affiches ont décoré les barrières et la musique, entrecoupée de slogans lancés à la volée, ont galvanisé la foule qui s’entassait peu à peu devant les portes. Parmi celleux là qui n’étaient pas partie prenante au début, une élève nous explique : « on a vu l’info sur Instagram, on était pas sûr et on a pas tout compris, mais là maintenant on est à fond avec le mouvement ».

Avec aucun matériel sonore à disposition, une autre élève monte sur un banc pour rappeler les revendications et insister sur la mobilisation de la jeunesse : « Plus on se mobilise, plus on donne envie aux gens de s’engager, on porte un message politique, on veut occuper l’espace, c’est le seul moyen d’être écouté.e.s ». Puis commencent les slogans « Siamo tutti antifascisti » « Jeunesse en colère », « De l’argent pour enseigner, pas pour bombarder ». Ces derniers finiront par exaspérer le chef d’établissement, qui décide alors d’appeler la police afin de construire un fin couloir dans le blocus qui ne sera pas utilisé par les élèves, à quelques exceptions près.

Blocage du lycée Claude Nicolas Ledoux – Nadwo.

Le retour des uniformes au lycée

Cette nouvelle intervention de la police nationale dans un établissement scolaire de la capitale comtoise interroge, la présence des uniformes dans les établissements étant strictement encadrée et possible, presque exclusivement, sur la demande des chefs d’établissement. Symbole d’un échec de dialogue avec les jeunes ou recours systématique, le doute existe pour le lycée Ledoux. Mais la réponse est claire pour le lycée Pasteur, où la police était déjà présente en masse devant l’établissement et dans le chantier à côté pour tenter d’empêcher une nouvelle action des lycéen.ne.s.

Cette présence aux aurores s’accompagne aussi d’une violence croissante de la part des forces de l’ordre alors que les élèves réussissaient tout de même à organiser le blocage sans autre moyen matériel que leurs corps. « Plusieurs filles ont eu des menaces de garde à vue de la part des flics, il y a aussi eu des remarques sexistes, comme quoi elles avaient rien à faire là, que c’était pas à elle de mener des luttes et que c’était pas leur place, il y a aussi eu plusieurs personnes bousculées » explique un représentant de l’USL. La tension n’est pas retombée de la matinée entre les lycéen.ne.s et la police, même au-delà de la fermeture totale des portes par l’administration.

Et cette tension ira jusqu’à une altercation physique entre le proviseur adjoint et trois élèves, qui bloquaient une entrée. « On a couru jusqu’à une porte parce qu’on a entendu qu’une parent d’élève voulait rentrer, on s’est mis devant la porte et après ça a été très vite, on s’attendait pas à être poussées donc on s’est pas retournées quand la porte s’est ouverte » nous explique une des élèves. « On a entendu ‘‘y’en a marre’’ puis on s’est fait bousculer, tirer, pousser pour libérer le passage, ça a duré une fraction de seconde puis il a refermé la porte en disant ‘‘on peut pas discuter avec vous de toute façon’’ » ajoute t-elle.

Décorations périphériques au blocage du lycée Pasteur – Nadwo.

La colère et la rue

Cet acte, rapidement dénoncé par les syndicats, sera relayé comme une traînée de poudre parmi les manifestant.e.s, ajoutant au cortège de tête lycéen, déjà prévu, une colère montante parmi les jeunes. C’est donc avec une hargne certaine que les élèves des différents lycées de la capitale comtoise ont mené la manifestation, déversant leur colère dans des slogans ciblés particulièrement contre ceux qui auront tenté depuis le matin de les bâillonner : la police. Allant de slogans sur Retailleau à d’autres plus globalement anti-militariste et en passant par des slogans anti-RN, leurs revendications contre l’ordre et l’autoritarisme sont naturellement antifascistes, antiracistes et antimilitaristes.

Mais un slogan se démarque et reprend aussi une revendication pour l’éducation : « De l’argent pour les lycées, pour pas finir policier ». Tout en déplorant ce recours systématique à la police pour gérer ces journées de mobilisation qui ne sont pas nouvelles, iels dénoncent avec ferveur les manques de moyens, les classes surchargées et les non remplacements de professeur.e.s absent.e.s. « Il doit y avoir assez d’argent mis dans une seul armure de CRS pour pouvoir payer les fournitures scolaire de toute une classe » lance un jeune pendant la manifestation.

Suivant le parcours prévu, la manifestation ne repassera pas devant le lycée Pasteur, pas plus que la manifestation sauvage rapidement dispersée et empêchera donc les jeunes de revenir sur l’incident du matin. Un rassemblement de soutien, accompagné d’un tractage, sera tout de même organisé le lendemain matin, à l’appel des organisations syndicales de l’éducation, pour dénoncer les actes, alerter sur les violences et prévenir les autres élèves de la situation. À cette occasion, un représentant de l’USL annoncera être convoqué par l’administration pour discuter de la situation, il sera accompagné des syndicats, mais l’étouffement de l’affaire est à craindre, soupir un représentant syndical. Violence policière et violence autoritaire, affaires à suivre.

Cortège de tête lycéen de la manifestation du 18 septembre 2025 à Besançon – Nadwo

Illustration d’en-tête : Blocus devant le lycée Pasteur – Nadwo.