Dans le pays de Clerval, un symbole qui passe mal
Si pour certain·e·s le slogan « mur blanc – peuple muet » est un leitmotiv, pour bien d’autres, autorités, commerçant·e·s et riverain·e·s en tête, les graffitis constituent souvent une problématique autrement plus préoccupante. Mais, parfois, la nature du message surpasse l’atteinte initiale de l’acte, y compris, de plus en plus, dans des villages tranquilles. Clerval, cinquante kilomètres de Besançon et trente-cinq de Montbéliard, mille habitant·e·s, n’échappe pas à la règle. À la fin des vacances de la Toussaint début novembre, la population découvrait ainsi, derrière l’aubette desservant le collège du bourg, tracée en rouges, la référence « 14/88 ».
Alors que l’obscure série de chiffres n’évoque rien pour beaucoup, quelques-un·e·s vont, en revanche, s’alerter. « Chez nous, ça a fait tilt. C’est une symbolique utilisée dans la mouvance néonazie, reprenant les quatorze mots du suprématiste David Lane et/ou pour AH-SS qui signifierait Adolf Hitler – SchutzStaffel. Au-delà de la dégradation pure, il y a une connotation inacceptable qui aurait nécessité une réaction ferme et immédiate des pouvoirs publics. Un signalement a été remonté il y a un moment aux différent·e·s intervenant·e·s concerné·e·s, mais depuis, absolument rien ne bouge… Une passivité qui moi, me choque ! » tacle un clervalois.
Administration scolaire, gendarmerie du coin, mais aussi secrétariat de la mairie, auraient ainsi été avertis, il y a déjà plus d’une semaine, sans succès. « À un autre plaignant que je connais, il a été dit que cette marque était trop ésotérique pour que ça constitue une priorité. Que, in fine, comme ça ne parlait qu’aux nostalgiques du IIIe Reich et à leurs opposant·e·s antifascistes, il n’y avait pas lieu de s’alarmer et de prendre le risque de nettoyer pour avoir une réitération derrière. Ce n’est peut-être pas une croix gammée, mais dès lors que le sens est connu, il n’est pas possible de laisser ça comme ça, surtout quand la ville agite son passé glorieux » complète-t-on.
Car l’établissement impacté fut nommé en mémoire de Louis Bonnemaille, maquisard exécuté à dix-neuf ans par la Gestapo. Un contexte notable pour la région, rappelant également que c’est « là où le premier maquis de Franche-Comté – la Compagnie Valmy – avait installé son camp de base en 1942 ». Une histoire forte qui tend à être oubliée, malgré la multiplication des monuments, commémorations, dédicaces. Aux dernières élections présidentielles, européennes, législatives, l’extrême droite domine désormais le scrutin, enregistrant des scores allant au-delà des 50 % dès le premier tour. Sollicité hier matin, le maire, Georges Garnier, n’a pas donné suite.
Illustration d’en-tête : Aperçu du graffiti, sur l’aubette proche du collège Louis Bonnemaille de Clerval.
