Enfarinage de Jordan Bardella à Vesoul : derrière les relais policiers, un autre récit moins glamour

Retrouvant les festivités de la « Sainte-Catherine », Jordan Bardella était de passage à Vesoul cette après-midi. En ces terres réputées sensibles aux idées lepénistes, le président du « Rassemblement National » n’imaginait pas être confronté à la moindre hostilité. Pourtant, alors qu’il prenait un selfie avec une anonyme, devant le stand d’un syndicat agricole d’extrême droite, il a été, sommairement mais efficacement, enfariné par un adolescent. Plusieurs titres, comme « l’Est Républicain » et « France 3 », se sont alors faits l’écho du fait-divers. Sans être présents, souvent sur la base exclusive de sources policières. Multipliant ainsi les non-dits, approximations et erreurs. Témoin directe érigée en comparse par les uniformes et médias, la jeune femme présente à ce moment-là tient à rétablir la vérité.

 

« Je suis une mère de famille originaire de Besançon, qui a fait le déplacement sur Vesoul pour retrouver quelques copain·e·s à l’occasion de la Sainte-Catherine. Celleux-ci étant parti·e·s à partir de 15h00, j’ai arpenté seule les rues du centre-ville. Ayant encore un peu de temps avant le dernier car en soirée, j’ai voulu me joindre à la cohue autour de Jordan Bardella. Je n’aime pas spécialement le personnage et je ne cache pas mes engagements féministes, mais j’étais curieuse. Arrivée à l’hôtel où il devait signer son dernier livre, j’ai constaté qu’une longue file de badaud·e·s s’était formée. Saisissant une discussion entre des agents de sécurité, je demande si la déambulation prévue aura bien lieu ; on me répond qu’à cause de la pluie, ça risquait d’être compromis. Mais après quelques discussions et photos, l’homme politique finit par sortir et débute alors son petit tour ».

«  Malheureusement, j’ai vite compris que l’intéressé était assez inaccessible. Autour de lui, une quinzaine de gardes du corps et pas mal d’agent·e·s de police filtraient impitoyablement tout ce qui bouge. Pendant plus d’une heure, j’ai quand même suivi son périple, entendant des horreurs dans son sillage, de la part d’habitant·e·s, de commerçant·e·s et même de membres des forces de l’ordre comme « Jordan notre futur président » ; « il va nous débarrasser de ces pourritures d’étrangers » ; « bizarrement il n’y a plus aucun bougnoule d’un coup » ; « ici il n’y a que du cochon on est pas à Bab El Oued » ; ou encore « la France est blanche et catholique »… À un moment, il s’arrête juste devant moi. Je me rapproche, puis l’interpelle pour tenter un cliché ensemble. Mais un sachet de farine lui est brutalement déversé dessus par un tiers, touchant toutes les personnes proches, dont moi ».

Cette après-midi lors de la « Sainte-Catherine » à Vesoul (Haute-Saône), la grande famille du « Rassemblement National » s’est retrouvée avec (de gauche à droite) Antoine Villedieu (député de la première circonscription de Haute-Saône), Jordan Bardella (président du parti), Émeric Salmon (député de la deuxième circonscription de Haute-Saône) et Matthieu Bloch (député de la troisième circonscription du Doubs) – photo témoin.


« Évidemment, je n’étais au courant de rien et ne connais pas davantage l’auteur. On apprendra, par la suite, qu’il s’agit d’un gamin du bourg, élève au lycée Édouard Belin. Le mineur n’en sera pas moins durement appréhendé, la horde de « gorilles » se jetant littéralement dessus pendant que Bardella s’abritait auprès de la Coordination Rurale. J’ai nettement vu le gosse recevoir des coups de poing, alors qu’il était déjà ceinturé au sol. Pour moi, ça allait trop loin. C’est là que j’ai décidé d’assister à son exfiltration, craignant qu’il ne soit passé à tabac. Le groupe courait, mais le minot continuait à prendre des claques et des insultes. Hallucinée de ce que je voyais, j’ai sorti mon téléphone pour démontrer mon récit. Mais alors que la BAC prenait le relais, je suis prise à partie par une fonctionnaire qui m’exhorte à « arrêter ma prise » puis procède à un contrôle d’identité et un fichage ».

« Le jeune est plaqué et menotté, dans l’attente d’un véhicule pour l’embarquer. Pendant ce temps, Jordan Bardella trouvait refuge dans son hôtel. Le renseignement territorial vient à ma rencontre et répète les vérifications, en poussant la recherche pour en sortir le moindre élément qui pourrait être utilisé afin de m’emmener. Les menaces de m’embarquer pleuvaient, mais je persistais à filmer en rappelant que c’était mon droit le plus strict. Alors que le protestataire est conduit au commissariat pour être placé en garde-à-vue, je coupe mon mobile. C’est là que la même dépositaire de l’autorité publique, toujours énervée, m’assène, de loin, « qu’elle et moi on se reverra ». Depuis, je suis désignée par les flics et certains médias de préfecture comme une prétendue « complice » de ces évènements. En oubliant, aussi, bien sûr, tout le reste de l’histoire, embarrassante ».


Illustration d’en-tête : Jordan Bardella lors d’un bain de foule, cette après-midi pendant les festivités de la « Sainte-Catherine » de Vesoul – photo témoin.