Ce samedi après-midi, le secteur Révolution avait des allures de petite place Rouge. Ielles n’étaient que sept à exprimer leur opposition aux dernières annonces formulées par le premier ministre François Bayrou, suivant un appel spontané émanant des ultimes réseaux de gilets jaunes encore réunis le matin à Chalezeule. Mais toutes et tous étaient bien décidé·e·s à porter leurs protestations jusque dans le centre-ville, s’élevant contre la suppression de jours fériés, la casse de la sécurité sociale ou le gel des retraites et des salaires, mesures suscitant des larges critiques, y compris locales, comme au PCF ou à LFI. « Moi je suis déjà en train de survivre, entre une pension minable et des petits boulots à droite à gauche pour avoir péniblement un repas chaud le jour et un toit la nuit. Taper sur les plus modestes ce n’est plus possible, on doit se battre » rage par exemple Brigitte, septuagénaire porteuse du chasuble.
Pour cette poignée de téméraires, le nombre est une première désillusion, même si la période estivale et la météo exécrable n’ont évidemment pas aidé. Quelques pancartes sont néanmoins déployées comme l’une stipulant « pendant qu’ils se gavent nous on crèvent », alors qu’une participante originaire de la région brandit un exemplaire de la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen » du 26 août 1789. Mais alors qu’une dizaine d’uniformes ont été dépêchés pour contenir toute revendication, un détachement surgit en effet au bout de quelques minutes. Un contrôle d’identité général est opéré, alors que les protagonistes sont invité·e·s à partir. « Pour nous, il s’agit d’une manifestation illicite. Si vous vouliez être là, il fallait faire une déclaration préalable formelle en préfecture. Si dans cinq minutes vous n’avez pas circulé, nous procéderons à des interpellations ou des verbalisations ultérieures » tranche un agent.
Une affirmation qui ne manque pas d’interroger en droit, à propos d’un évènement directement lié à un fait d’actualité. Mais les délais écoulés, à 14h30 décision est prise d’arrêter Frédéric Vuillaume sur le champs. « On vous embarque, vous désignant de fait comme organisateur. Direction la Gare-d’Eau, où vous vous expliquerez ». Ses camarades protestent en vain, puis gagnent elleux aussi le commissariat afin de crier leur colère. À 15h00 le syndicaliste est finalement relâché sans poursuites, après une audition libre. « À la Direction de la Sécurité Publique, il y a eu du changement récemment. L’objectif était de marquer le coup, afin de frapper fort pour que les prochains mouvements sociaux soient désormais sous contrôle » indique-t-il. « Chaque jour, on rogne un peu plus sur nos libertés. Un tout petit groupe qui se retrouve pour sortir une affichette dans la rue, c’est les geôles. Aujourd’hui, voilà où on en est » se lamente un habitué des cortèges.
Illustration d’en-tête : Alors que les manifestant·e·s se regroupent autour de la Fontaine des Eaux d’Arcier place de la Révolution, ielles sont immédiatement appréhendé·e·s par d’importants effectifs policiers.