Antoni Lallican, tué en Ukraine, appareil photo en main

Vendredi 3 octobre, Antoni Lallican couvrait la guerre que mène la Russie sur le territoire ukrainien. Alors qu’il se trouvait dans le Donbass, appareil photo en main pour nous faire vivre ce qu’il se passe non loin de la ligne de front, un drone russe l’a tué. Son engagement et son travail de photojournaliste avaient été salués à Besançon. Il fut le lauréat du Prix Victor Hugo de la photographie engagée, en 2024.
Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine le 24 février 2022, dix-sept journalistes ont été tué·es. Dans un communiqué, la Fédération Internationale et Européenne des journalistes (EFJ-IFJ) a fait savoir, ce vendredi 3 octobre, qu’Antoni Lallican, photojournaliste français, avait été tué par un drone russe à 9h20, heure locale. Le communiqué indique que « selon les forces terrestres ukrainiennes, Lallican aurait été tué par une « frappe ciblée » effectuée à partir d’un drone à vue à la première personne (« first-person-view » – FPV). Les drones FPV permettent aux opérateurs de voir leur cible avant de frapper ». Mort à trente-sept ans, il aurait ainsi été ciblé parce qu’il portait sur le dos un insigne « press ». Toujours selon la FIJ, ce serait la première fois que depuis le début de la guerre menée par la Russie, un journaliste est tué par un drone.
Antoni Lallican était venu à Besançon. Lauréat de la deuxième édition du Prix Victor Hugo de la photographie engagée, une vingtaine de ses meilleures images avaient été exposées dans les sous-sols de la Maison Victor Hugo. Celles-ci avaient été prises entre mars 2022 et juillet 2024 sur les terres ukrainiennes meurtries par un pouvoir russe déterminé à faire la guerre. Avec puissance et une vérité crue, ses photographies nous plongeaient, et nous plongent encore, au cœur de ce qu’est la guerre : des blessés, des morts, des personnes isolées, des bâtiments en feu et en ruine, des montres de taule qui lancent des obus, des armes, des familles endeuillées, des visages fermés, des treillis… Au travers de ses prises du vue, aux cadrages millimétrés et toujours bien exposés, il nous faisait, et nous fait encore, vivre l’instant.
Pour Yves Gravelin, président de l’association Grain D’Pixel, ce prix lui avait été remis pour l’engagement dont il avait fait preuve durant sa carrière. « Au regard de l’historique avec lequel il a présenté son engagement, la façon dont il allait rendre visite aux personnes en Ukraine, on percevait parfaitement ce que vivaient les gens en Ukraine, du début du conflit jusqu’à aujourd’hui. Il faisait preuve d’une grande facilité à aborder les gens, à leur donner confiance aussi bien du côté des civils que des militaires. Dans l’exposition qu’il y a eue à la maison Victor Hugo, il voulait surtout montrer l’impact de la guerre sur les habitants ». Du Liban, à la Syrie, en passant par l’Arménie ou encore dans les favelas de Rio de Janeiro, il voulait que sa photographie « serve à quelque chose, qu’elle témoigne d’une réalité, de ce qui se passe vraiment sur le terrain ». Un hommage lui sera rendu au Kursaal, samedi 11 octobre, lors de la clôture du festival photographique que se tient actuellement.
À la mi-février, « le Ch’ni » était entré en contact avec Antoni afin de dresser son portrait pour parler de son travail et de ses motivations. Malheureusement, cela ne s’était pas fait, le photographe étant en partance pour la Syrie. Notre rédaction dénonce toutes les attaques ciblées envers les personnes qui font un travail d’information, s’associant à toutes les rédactions qui lui rendent hommage ; nous apportons également notre soutien à sa famille et ses proches.

Illustration d’en-tête : Autoportrait d’Antoni Lallican sur un grande bâche tendue dans les sous-sols de la maison Victor Hugo et présentant son travail à la suite de la remise du prix. Antoine Mermet.