Sur l’aire d’accueil des gens du voyage de la porte du Vallon, une cinquantaine de résident·e·s occupent les lieux une grande partie de l’année. Une présence qui s’accompagne du versement de loyers et charges, lesquels ne garantissent toutefois pas systématiquement la poursuite d’une existence paisible. Entre le 1er et le 12 juin prochain, les autorités ont en effet décidé d’utiliser le site pour y implanter un abattoir destiné à l’Aïd-al-Adha. La mesure n’est certes pas nouvelle, mais les habitant·e·s refusent désormais que l’exception ne se transforme en fâcheuse habitude. Car pendant cette période, les intéressé·e·s sont prié·e·s d’aller vivre ailleurs. Si l’arrêté temporaire a été publié le 2 avril dernier, son application soulève ainsi de vives protestations depuis quelques jours.

L’alerte a été donnée par Rémy Vienot, de l’association « Espoir et Fraternité Tsiganes de Franche-Comté », se faisant le relais de familles particulièrement préoccupées par la situation. « Personne ne conteste les besoins de la communauté musulmane durant cette fête, mais on ne peut pas y répondre en lésant d’autres citoyen·ne·s. Il ne s’agit donc pas de stigmatiser ou d’opposer une population contre une autre, mais bien de trouver des solutions durables pour que tout le monde puisse évoluer en bonne entente et dans l’apaisement » prévient t-il. « On loge dans nos caravanes, ce n’est pas un jeu. Alors quand on nous demande de partir, les conséquences sont importantes pour nous » abonde un locataire, rappelant que bon nombre de voyageurs/voyageuses sont aujourd’hui sédentarisé·e·s.

« Aucune proposition concrète de relogement n’avait été initialement avancée par le propriétaire, de ce qu’on m’a rapporté ici, les premiers échanges avec les institutions concluaient même en un départ ferme au risque de voir débarquer la police. Puis, au-delà, il reste un problème de taille, celui de l’affectation… C’est un lieu de vie, donc c’est compliqué de revenir après comme si de rien n’était alors que des dizaines de bêtes ont été abattues sur place. À mon sens, cela montre définitivement le peu de considération à notre égard, on a l’impression d’être tout simplement relégué·e·s de la communauté nationale » explique encore longuement Rémy Vienot. L’équation s’avère donc délicate, mais longtemps, la communauté d’agglomération du « Grand Belfort » est resté mutique même à nos sollicitations.

Un référé a depuis été déposé devant le tribunal administratif, avec une issue négative pour les plaignant·e·s connue ce lundi matin. Le dialogue semble s’être néanmoins rétabli entre les représentant·e·s de la porte du Vallon et les pouvoirs publics, des perspectives se dessinant enfin. Rémy Vienot, également aux négociations, analyse : « Il a été proposé de n’utiliser que la moitié du terrain, ou alors d’offrir un mois de quittance en compensation. Ce sont des avancées notables que je ne peux que saluer, même si elles me démontrent qu’on aurait pu peut-être donc mieux anticiper les choses avant de telles tensions. Ce n’est pas encore acté, j’ai cependant bon espoir que toutes les parties se mettent d’accord. L’essentiel, c’est qu’aucun·e ne se retrouve en galère, ou pire, à la rue ».

Du côté des différents organismes chargés du culte comme la « Grande Mosquée de Belfort », c’est la discrétion qui s’impose. Mais pour de nombreuses voix, cet incident est gênant. « Dans l’islam, cette célébration est synonyme de joie, de tolérance, de partage. C’est le sens même de cette date, en particulier à destination des plus fragiles et démuni·e·s. Comment en profiter pleinement, sachant que des personnes ont été lésées indirectement par nos actions ? On ne peut pas rester indifférent·e·s à leur sort, ça doit nous toucher et nous remettre en question. Donc oui, à terme, il faudra bien trouver des alternatives » explique un fidèle de la région. Sur place la situation reste pour l’instant figée, alors que les occupant·e·s entendent plus que jamais maintenir leur quotidien.

Illustration d’en-tête : Aperçu de l’aire d’accueil des gens du voyage de la porte du Vallon.

À lire aussi