Dimanche 18 mai vers 18h30, un jeune lédonien emprunte la rue Louis Pasteur. Deux individus discutent alors avec une riveraine de l’autre côté de la voie, proférant des propos lourds de sens. « Les protagonistes donnaient de la voix, le tandem n’hésitant pas à reprendre des mots nauséabonds… en évoquant par exemple une prétendue menace pour la race blanche, c’était assez clair. J’étais tellement choqué par ces paroles que j’ai tout de suite rétorqué que ces thèses ignobles relevaient du grand n’importe quoi. Les types se sont alors immédiatement précipités vers moi, c’est là que j’ai vu leurs tee-shirts avec des symboles caractéristiques » rapporte Thierry (*).
Devant une tentative d’argumentaire, les nervis en viennent instinctivement aux mains. « Après m’avoir couvert d’insultes, j’ai été frappé par l’un d’eux. Une violente claque au visage, qui a fait voler mes lunettes au sol. Pendant que je reprenais mes esprits, j’ai eu le réflexe de sortir mon téléphone. Pensant que j’appelais les secours, ils sont partis ». Ses contusions constatées à l’hôpital, la victime a déposé plainte ce lundi au commissariat. Si une enquête vient d’être ouverte, bien des interrogations émergent quant à cet incident. Le Jura serait-il subitement devenu une terre brune, ou cette actualité traduirait-elle une émergence prévisible ?
Un cas vraiment isolé ?
Alors que « le Progrès » proclame des « faits qui apparaissent isolés », les autorités locales se sont montrées tout aussi laconiques face aux questions du journal. « Nous n’avons pas connaissance d’autres violences de ce type en rapport avec l’extrême droite », a ainsi réagi la DDSP Karine Slowik. Mais comme nous le rapportions le 16 août dernier, l’implantation de groupuscules néofascistes s’avère bien documentée dans la région. Avec, derrière, son lot de nuisances, qui se multiplient depuis des mois : marquages nationalistes, atteintes ciblées des partis de gauche, incursions dans les mouvements sociaux, menaces écrites et physiques aux opposant·e·s…
Ultime illustration en date du 5 mai, où la plaque commémorative de deux résistants jurassiens avait été dégradée par de la propagande en marge de collages relatifs au « C9M ». Le tout, jusqu’alors, dans une indifférence policière et judiciaire presque totale. Sur place, les simples uniformes n’ignorent toutefois pas ces réalités ; ainsi que le rapporte Thierry, l’un des agents qui l’a reçu semblait tout à fait informé sur les mouvances à l’œuvre. Reste qu’en haut-lieu, la chaîne de commandement ne serait pas si pressée de traiter la problématique. À l’été 2024 déjà, plusieurs témoins reprochaient d’ailleurs explicitement un certain laxisme des pouvoirs publics.
(*) Le prénom a été modifié.
Illustration d’en-tête : Lons-le-Saunier, la place de la Liberté – Christophe.Finot/cc-by-sa-3.0.