Reconnu coupable d’une agression à caractère transphobe ce vendredi en première instance, un certain Romain Jacquinot a écopé de dix mois d’emprisonnement aménageables. Une lourde mention à son casier judiciaire, déjà chargé d’un précédent notable de violences avec une descente survenue en novembre 2023 dans la Drôme. Un temps volontaire au sein d’une armée qui l’a depuis définitivement ostracisé, l’intérimaire de vingt-et-un ans cultive toujours un attrait assumé pour le néonazisme. L’expression d’une « haine latente » pour le ministère public et les parties civiles présentes au tribunal de Besançon, faisant écho à l’environnement et au parcours d’un militant passé des cercles du « Rassemblement National » aux franges identitaires les plus radicales. Au cœur du marigot identitaire de la région, le profil lisse se transformant en cas d’école.


Le « Rassemblement National » en fil conducteur
Nichée dans un petit village de la périphérie bisontine, la famille Jacquinot a toujours été très engagée au sein de l’extrême droite électorale et religieuse. Alors que la grand-mère, Jacqueline, fut par deux fois colistière du catholique traditionaliste Thomas Lutz aux dernières législatives, le père, David, qualifiant diverses figures néonazies telles que Sébastien Favier et Olivier Bordy de « vieux frères », était parallèlement enrôlé comme colleur d’affiches du parti dans son canton. C’est dans ce contexte qu’a évolué Romain, né en 2004, qu’on retrouvera d’ailleurs, naturellement, avec ses deux ascendant·e·s, en compagnie de l’ensemble des parlementaires « RN » comtois de l’époque, Émeric Salmon, Géraldine Grangier et Antoine Villedieu, lors d’une fête interne le 14 juillet 2023. Mais aussi et surtout, à partir de ses seize ans, au sein d’un milieu ultranationaliste local qu’il ne quittera plus.

Fin 2021, une importante recomposition s’opère effectivement dans les rangs patriotes. Nombre de jeunes cadres lepénistes voient leurs multiples dérapages désavoués, entraînant une hémorragie de la base qui rejoint alors « Génération Zemmour » pour la politique, « la Cocarde Étudiante » concernant l’université, ainsi que les « Vandal Besak » quant aux expéditions punitives. Aux traditionnelles sessions de porte-à-porte et tractages, la petite bande va vite préférer les coups de force. Romain Jacquinot s’illustre ainsi, notamment, durant l’attaque du meeting de Philippe Poutou le 9 mars 2022, par des menaces physiques contre des féministes le 26 mars suivant, pendant une soirée qui s’est muée en véritable « traversée brune » le 28 août, ou encore en s’activant à des entraînements au combat en plein air à Monfaucon, aux Près-de-Vaux et sur Chailluz de mars à septembre 2022.
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Jusqu’à son arrestation le 25 novembre 2023, le profil « Instagram » de Romain Jacquinot regorgeait de références néonazies explicites – captures d’écran.


Un tournant ouvertement néonazi

Mais le 21 novembre 2022 ce noyau dur finit par exploser, accablé par le retentissement d’une énième action ayant prise pour cible une statue de Victor Hugo. La plupart des protagonistes, inquiétés ou déboussolés sans leurs chefaillons, déposent finalement les armes, s’exilent à l’autre bout de la France ou se font oublier un temps. Bien que nouvellement engagé comme militaire, Romain Jacquinot tente au contraire de préserver un réseau et s’enfonce toujours plus dans une idéologie radicale. Il multiplie alors les prises de contact et entrevues, comme à l’occasion d’une soirée raclette en novembre 2023 sur fond d’un drapeau aux couleurs du IIIe Reich et autres saluts fascistes. Entre-temps, avec l’un de ses compagnons de route, Ilann Fabre, il traque et tabasse deux personnes LGBT+, au seul motif de leur identité de genre, dans la nuit du 4 au 5 août 2023 à Besançon.

Les choses s’accélèrent à nouveau, le 25 novembre 2023 à Romans-sur-Isère, Jacquinot étant interpellé pour sa participation à des émeutes racistes, toujours avec Fabre. Mis en cause pour avoir attaqué des policiers au mortier d’artifice, il sera définitivement condamné pour « regroupement en vue de violences et/ou dégradations » et « refus de remise d’un moyen de chiffrement téléphonique ». L’occasion d’une perquisition fructueuse au domicile de ses parents, où figureront de la documentation partisane et un exemplaire de « Mein Kampf ». Son incarcération et la perspective d’un procès ce 11 juillet ne l’amèneront cependant pas à reconsidérer son activisme tranché, l’intéressé étant encore observé, le 8 mai 2025 à Besançon, dans d’énièmes intimidations, avec une vingtaine de gros bras, sur une tournée de propagande pour la manifestation du « Comité du 9 Mai ».


Illustration d’en-tête : Dans la nuit du 27 au 28 août 2022, une soirée d’anniversaire s’est transformée en une véritable manifestation néonazie dans les rues de Besançon, incluant chants militaires allemands, saluts hitlériens, ou encore stickers SS, le tout sous une bannière « Vandal Besak ». Participant à cette démonstration, Romain Jacquinot, bien que flouté, a été formellement identifié, sur cette photographie de revendication, étant au second plan, bras croisés, porteur du tee-shirt blanc de marque  « Nike » et d’un short beige – capture d’écran.

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