Le 21 juin dernier place Louis Pasteur à Besançon, une affichette est apparue dans l’arène gérée par l’association « Basslime ». « Pas de violeurs dans nos soirées – arrêtez de protéger vos potes », était-il ainsi proclamé au milieu du site. L’initiative s’avère être le fait de militant·e·s antifascistes et féministes, révolté·e·s par une programmation persistante qu’ielles jugent problématique. Retrouvé·e·s et interrogé·e·s par nos soins, celleux-ci assument « avoir voulu dénoncer le maintien récurrent de certains artistes par cette structure, sachant leur mise en cause et même parfois leurs sanctions pour violences sexistes et sexuelles ».


Plusieurs artistes condamnés ?
Selon nos informations, cette scène comptait, déjà en 2023, un musicien, alors condamné en première instance, pour « violences habituelles sur conjoint avec ITT supérieures à huit jours », sentence depuis confirmée et devenue définitive, quelques mois plus tard après sa prestation, écopant, notamment, d’un an de prison avec sursis et de cinq ans de suspension de ses droits civiques. Rebelote il y a six jours, avec un second protagoniste, qui aurait été lui aussi reconnu coupable de faits analogues, dans l’attente d’un jugement d’appel. Deux illustrations délicates, qui alimentent les interrogations portées sur la gestion concrète de ce type de dossiers.

Sollicité·e·s par nos soins, les trois responsables de « Basslime » considèrent que « pour les faits de 2023, il s’agissait alors d’une autre association [le Citron Vert, NDLR] avec un autre bureau, ce sont deux entités différentes même si il y a eu des membres communs aux deux associations et qu’on a effectivement hérité de la place Pasteur pour la FDLM pour 2025 ». Un argumentaire assez surprenant, tant les paternités, continuités et proximités y sont marquées, d’une page « Youtube » qui décrit « Basslime » comme « formée de membres du Citron Vert » à la constitution des bureaux qui laisse en effet apparaître une porosité très forte dans la distribution des plus hauts postes.

Concernant le protagoniste de 2025, elles indiquent tout ignorer des reproches formulés et repris sur la pancarte pirate. « Nous ne sommes pas du tout au courant d’une procédure judiciaire à son encontre ainsi que d’une condamnation en appel » écrivent-t-elles, se disant « très surprises » et n’excluant pas une « confusion ». Néanmoins, au cours de notre enquête, plusieurs voix indiqueront bien, au-delà des audiences, « connaître le passif » de l’intéressé. « Nous sommes sensibles aux problèmes des VHSS et nous souhaitons pouvoir offrir à notre public des espaces de fête safes » assurent nos interlocutrices, prêtes au débat afin de « faire avancer les choses ensemble ».

Sur les VSS, aucune recommandation particulière
Reste que pour cet évènement populaire majeur placé sous l’égide de la municipalité, il n’existe, à notre connaissance, aucune charte, pas de contrôle, nulle exigence. Ce que confirment plusieurs sources, comme un partenaire historique. « Le seul critère requis pour participer à la fête de la musique, c’est le respect des protocoles de sécurité. Sur tout le reste, les pouvoirs publics considèrent qu’ils font confiance aux organisations. Ce qui est très bien pour 99% de l’activité, mais à de rares exceptions, ça peut déconner. Ainsi, théoriquement, n’importe quel agresseur, violeur, pointeur, peut tenir tranquillement le haut du pavé, du moment qu’il a la bénédiction de l’équipe choisie ».

Et si des vœux de changement se sont déjà exprimés en interne, ils se seraient heurtés à un manque d’empressement pattant. Un autre habitué affirmant que le malaise avait été clairement signifié, quand il officiait jusqu’au printemps 2022. « Nous étions beaucoup du staff à connaître les casseroles de certaines têtes du Citron Vert, en particulier pour l’une des personnes incriminées. La plupart d’entre nous étaient même prêt·e·s à faire obstruction à leur raccordement électrique, si jamais on devait y être confronté·e·s. Tout cela, absolument personne ne pouvait l’ignorer. Alors voir le bordel revenir en 2025, ça me désole. Il faut trouver des garanties, même souples ».

Christelle Henry, en charge de la fête de la musique, n’a pas pu répondre à nos demandes. Nous avons en revanche contacté Anthony Poulin, adjoint à la maire Anne Vignot et suppléant de la députée Dominique Voynet. Celui-ci avait été saisi, dès octobre 2021, personnellement et longuement, par une plaignante, qui s’inquiétait de voir son bourreau annoncé à « la Rodia ». Si l’élu avait transmis toutes les informations aux services concernés, il avait admis n’avoir pu prendre de résolutions plus directes. Une impuissance réitérée, rappelant que « ce pôle ne fait pas partie de ses prérogatives » tout en reconnaissant « qu’un vrai souci est posé en la matière ».

« Mettre en place un cadre minimal »
Pour le collectif « Nous Toustes », cette inertie est scandaleuse. « La situation est connue depuis longtemps, nous n’avons cessé d’alerter comme à l’occasion de discussions avec feu l’Antonnoir en juin 2022. Les auteurs de VSS ne doivent plus être en prise avec le public, avec un principe de précaution dès qu’il y a délation. C’est d’autant plus crucial quand le fautif nie toujours les infractions, renvoie la responsabilité à ses victimes et s’avère même décrit comme un véritable pervers par les magistrat·e·s. Mais dans ce petit milieu, beaucoup préfèrent étouffer ces vérités gênantes. Quand on a essayé de soulever ces difficultés, nous avons tout de suite essuyé des menaces explicites de leurs cercles ».

Les activistes concluant : « Sincèrement, nous sommes fatigué·e·s de nous battre depuis des années contre les évidences. C’est déjà une galère indicible pour faire plier les établissements, on l’a vu dernièrement avec la boîte le Privé en septembre ou à la Première en février. Alors ça serait bien que les administrations montrent enfin l’exemple, en agissant au mieux dans les espaces où elles peuvent et doivent. On vient d’ouvrir la maison des femmes [et des minorités de genre], Besançon ne pourrait-elle pas également mettre en place un cadre minimal sur ces grandes dates ? » Après « #metoo musique », ce manque serait ainsi vu comme une faute, a fortiori pour un « bastion progressiste ».

Dans le secteur, où peu parlent ouvertement, craignant de passer pour « une ordure ou un·e traitre·sse », le verdict est plus tempéré. « Je comprends les attentes, mais c’est compliqué de trancher d’enjeux si complexes. Il faut avoir connaissance de ces éléments, puis savoir quand procéder : lors de la dénonciation, si il y a mise en examen, en cas de condamnation définitive ? Chez nous, c’est tolérance zéro. Mais il faut se mettre à la place de mes collègues, qui travaillent dans l’événementiel et non dans le droit. Un raté, ça arrive. Si la mairie estime que des compléments sont souhaitables, on s’y attachera avec bienveillance. Mais on doit aussi faire confiance aux professionnel·le·s et à leur éthique ».


Illustration d’en-tête : Affichette placardée sur la scène du site Louis Pasteur, proclamant « Pas de violeurs dans nos soirées – arrêtez de protéger vos potes ».

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