Bucolique et conservatrice, la Franche-Comté ? Oui, mais pas seulement. Au rythme de l’évolution des mœurs, les bourgs font aussi leur révolution. Entre les deux mastodontes que forment Besançon et Dijon, les espaces LGBT+ s’ouvrent désormais aux petites agglomérations. Ainsi, naturellement, la Préfecture de Belfort s’est inscrite dans cet élan, pour sa deuxième édition, avec quelque deux cents participant·e·s. Même constat dans la capitale administrative du Jura, Lons-le-Saunier, qui organisait sa troisième date, sous la clameur d’environ cent cinquante partisan·e·s. Mais, dans le département, la surprise est surtout venue d’Arbois, petite commune d’environ 3 000 âmes, qui accueillait sa toute première marche.
L’initiative est partie d’un collectif d’habitant·e·s, déterminé·e·s à lancer une « pride » au cœur du pays vignoble. Un projet appuyé par l’association « Jura Fiertés », mais aussi la maire, Valérie Depierre, située à gauche. Afin d’illustrer cette ouverture municipale, le drapeau « arc-en-ciel » a même pavoisé l’hôtel de ville ; tout un symbole, qui a été altéré par des mains anonymes et nocturnes. « Chez nous, le drapeau rouge flottait sur le clocher de la ville en 1834… Il a été enlevé, mais il reviendra. Cet état d’esprit, il est fortement enraciné par ici. Alors, ce ne ne sont pas quelques lâches qui vont atteindre notre volonté. Un nouvel étendard a été remis, encore plus haut ! » relativisait un activiste rouge. À 10h00 en effet, le Champs-de-Mars se remplissait à vue d’œil.
Prises de parole et témoignages fusent en premier lieu, rappelant les difficultés auxquelles sont encore aujourd’hui confrontées les personnes LGBT+ et donc la nécessité de porter une visibilité dans les territoires. Le cortège s’élance ensuite, plus de trois cents personnes prenant place entre les chars et la fanfare locale. En tête, un engin agricole reprend : « pas de tracteurs sans pédales ». Un groupe de crieuses s’active également sur le trajet, relayant divers messages d’amour, de paix et de revendications politiques. « Nous sommes queers : pas à guérir, mais guérissez nous du mal de l’extrême droite » était-il notamment proclamé. Concernant les couleurs arborées, un large panel était représenté : inclusives, trans, lesbiennes, non binaires, antifascistes…
Dans le cortège, certaines voix pèsent particulièrement. À l’instar d’un·e jeune de quatorze ans qui souhaite rester anonyme, mais décrit cet évènement comme une véritable bouffée d’oxygène : « Je suis venu·e avec plusieurs ami·e·s, j’avais besoin de me retrouver au sein de cercles qui m’écoutent, me comprennent, ne me jugent pas. En ce moment, je me questionne sur mon coming-out trans auprès de mes parents. C’est une situation très délicate, les conseils et soutiens ne seront donc pas de trop ! ». Si les plus concerné·e·s constituent la base des troupes, des familles et allié·e·s sont également en nombre. À l’image de Bernard, la cinquantaine, de sensibilité socialiste, qui entendait, lui aussi, « apporter sa pierre à l’édifice de tolérance qui se dessine ».
La réception fut tout aussi positive, plusieurs riverain·e·s n’hésitant pas à manifester leur sympathie depuis leur fenêtre ou la terrasse d’un bistrot. « Une ambiance vivifiante, qui ferait presque oublier la poignée d’énervé·e·s qui veut nous pourrir la vie » s’enthousiasme une doloise venue pour l’occasion. Rac’, originaire de Besançon, a également fait le voyage, avec une proche : « Au-delà d’une solidarité évidente, je voulais voir comment ça pouvait se passer. Cette journée, elle donne de l’espoir. Différentes générations ont pu échanger, partager leurs expériences, s’encourager mutuellement. C’est juste magnifique ». Alors que la mobilisation s’achevait par un pique-nique, certain·e·s prenaient la route en direction de Lons-le-Saunier, où le départ était donné à 14h00 sur Liberté.
Illustration d’en-tête : Aperçu de la marche des Fiertés au cœur d’Arbois, le tracteur en tête et l’église Saint-Just en fond – crédit Mégane Houselle.