Portée par la ministre de la santé Simone Veil, la loi relative à l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) était promulguée le 17 janvier 1975. Cette disposition a permis une dépénalisation, pour un délit jusqu’alors passible d’emprisonnement. Cinquante ans plus tard, les plus ancien·ne·s racontent quelle était la société des années 1970 à Besançon. Mais aussi et surtout leurs combats, qui ont permis cette avancée majeure. Engagé·e·s au sein du « Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception » (MLAC), ielles sont ainsi revenu·e·s sur leurs récits à travers deux dates. Un témoignage pour la mémoire, ainsi que l’avenir… Tant les menaces tendent à réapparaître, à l’international comme en France.
Controverses entre Jenny d’Héricourt et Pierre-Joseph Proudhon, affaire Mercier à Belfort, années Lip à Besançon… Dans la région, les luttes féministes forment une réalité historique forte et souvent consubstantielle aux mouvements sociaux. Au cœur de cette France post-Mai 68, le recours à l’avortement reste strictement illégal. Mais avec la « méthode Karman » tout juste arrivée des États-Unis, la pratique est simplifiée en minimisant drastiquement le risque de mortalité. La plupart des médecins et des militant·e·s vont alors s’emparer de la question et se structurer, afin de permettre cette opération auprès d’un maximum de bénéficiaires. Entre clandestinité et rapport de force politico-médiatique, plus de trois cents antennes du « MLAC » seront créées sur le territoire.
C’est ce qu’exposent les deux films projetés les 17 et 23 janvier, « Histoire d’A » au FJT des Oiseaux et « Annie Colère » au cinéma d’art et essai Victor Hugo. Une toile de fond précieuse, amorçant des débats avec les ancien·ne·s du groupe de Besançon encore présent·e·s. Née en 1972 autour d’une poignée d’ami·e·s, la coordination va ainsi œuvrer pendant près de deux ans. « C’est plus de 120 fiches pour notre part, mais au total sur la période ce sont environ deux cents IVG qui ont été réalisées. Autour de deux praticien·ne·s et d’étudiant·e·s, une camaraderie s’est instaurée afin de répondre à la demande croissante. Nous avions une permanence le jeudi soir dans une librairie de la rue Laurent Megevand, certains samedis nous distribuions des tracts » se remémore Gabriel Viennet.

Mais avec les bouleversements législatifs, la formation va progressivement se dissoudre. Non sans quelques réminiscences, puisque le droit reste alors conditionné à certains critères comme une nécessaire « situation de détresse », exclut les mineur·e·s et sans-papiers, ou pose encore bien des questions pratiques quant aux moyens et limites imposées par la « clause de conscience ». Ce qui provoquera encore des coups d’éclats, comme le 22 mars 1974 à la maternité « la Mère et l’Enfant ». Mais un relais sera pris, avec le « Centre d’Information et de Consultation sur la Sexualité » (CICS) et l’association « Solidarité Femmes ». Implantation d’un planning familial, projet d’une « Maison des Femmes », large synergie autour du 25 novembre et du 8 mars, complètent le panorama.
Pourtant, les défis demeurent importants. Si, hier soir, on s’est félicité de « ne pas voir que des têtes grises au sein du public », plusieurs voix se sont également inquiétées « d’une jeunesse démobilisée ». « Il nous faut transmettre cette expérience, pour que les nouvelles générations n’oublient pas. Beaucoup ne connaissent pas cette réalité, or les acquis ne subsistent qu’en les défendant » a lancé une spectatrice, abondée par un collègue qui annonce « une publication à venir, pour retracer ce que fut le MLAC de Besançon ». Un tableau cependant nuancé, notamment sous l’effet des causes intersectionnelles souvent déconsidérées par ces mêmes sociologies. Mais comme nous le relations le 9 août dernier, il est vrai que les difficultés du terrain se mêlent toujours aux tentations restrictives.
Illustration d’en-tête : Les militant·e·s du « MLAC » de Besançon, action du 22 mars 1974 à la maternité « la Mère et l’Enfant » – Bernard Faille/Mémoire vive Besançon.